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L’amour au temps du rideau de fer

Cette chronique littéraire a été écrite par une étudiante en Lettres de l’université de Genève, dans le cadre des ateliers d’écriture animés par Eleonore Devevey et Natacha Allet.
L’amour au temps du rideau de fer
Roman

Un pays déchiré, un amour impossible, une grand-mère aimante, la joie, la peur, la honte… Réfugié aux Etats-Unis, Ludwig ressasse sa vie passée, laissée derrière lui en Pologne. Il s’adresse à Janusz, un étudiant rencontré lors d’un camp d’été aux champs, avec lequel il vit une intense histoire d’amour. Si les deux jeunes hommes veulent poursuivre leur relation de manière secrète à Varsovie, ils sont néanmoins vite rattrapés par la réalité politique de leur pays. Sous le joug d’un parti soviétique totalitaire, l’un est indigné par l’injustice qui l’entoure et poussé à la révolte, tandis que l’autre souhaite adhérer au Parti et mener une vie confortable. Les deux protagonistes s’aiment, mais leurs idées opposées créent définitivement un silence et une gêne entre eux.

Dans Les Nageurs de la nuit, premier roman intime et touchant, Tomasz Jedrowski dépeint Varsovie pendant la guerre froide, et allie l’évocation de la rage et des stigmates laissés par l’occupation soviétique à celle de la passion et du désir. Avec un style sans fioritures, il livre le récit d’une jeunesse confrontée à un système vicié et à la honte provoquée par une orientation sexuelle considérée comme déviante.

Le dispositif énonciatif restitue l’ambiguïté du sentiment amoureux: le narrateur semble vouloir recréer une proximité avec Janusz en lui destinant son récit, mais exprime par-là même la distance aussi bien physique que psychologique qui sépare les protagonistes. Le ton mélancolique du roman ne vire pas pour autant au tragique, et sa lecture en reste très plaisante. Camille Vervoux

Tomasz Jedrowski, Les Nageurs de la nuit, traduit de l’anglais par Laurent Bury, Ed. La Croisée, 2023, 223 pp.

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