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«Couper les vivres aux salarié·es malades est indigne»

Xhevrie Osmani et Christian Dandrès fustigent les retards pris dans le traitement d’un projet de loi visant à garantir les salaires des employé·es du secteur public en cas de maladie ou d’accident.
Genève

Le Grand Conseil a achevé la législature par un vote sur le droit au salaire en cas de maladie. Le PLR a fait durer plus de quatre ans les débats sur un projet de loi (PL 12428) destiné à protéger les salarié·es, avant d’obtenir du Conseil d’Etat que le vote final soit retardé d’une session. Nathalie Fontanet espérait une majorité parlementaire plus favorable. Elle a gagné son pari au détriment des salarié·es du secteur public et des assuré·es à l’AVS/AI.

Le PL 12428 vise à empêcher Fontanet de donner les infirmières et les enseignant·es, notamment, en pâture à la Zurich assurance et consorts. La magistrate PLR voulait supprimer l’auto-assurance pour le paiement des salaires en cas de maladie, économiser ainsi le paiement des cotisations à l’AVS/AI et – surtout – déléguer aux assureurs le soin de juger qui est malade et qui ne l’est pas. Ces derniers encaissent volontiers les cotisations, mais verser des prestations est une toute autre affaire. Pour se soustraire à cette obligation, les assureurs ont tissé un réseau d’«experts» dont la plus emblématique fut la Clinique Corela, suspendue puis fermée après avoir participé à escroquer des assuré·es.

Lors du débat au Grand Conseil, Fontanet fut claire: le droit au salaire en cas de maladie doit être supprimé pour les personnes dont la hiérarchie veut se débarrasser. Les salarié·es cotisant à l’assurance ne le feraient plus pour couvrir un risque, mais pour financer une arme au service des ressources humaines (RH). Vu la pratique au sein du «Grand Etat», le projet Fontanet supprimerait dans la plupart des cas toute protection efficace contre les licenciements injustifiés.

Voici grossièrement résumé le schéma classique d’un licenciement dans le secteur public. Le processus débute en général lorsqu’un·e salarié·e entre dans le collimateur du chef ou du groupe qui a le soutien du chef. Les causes peuvent relever de la personne visée, du groupe ou du chef. Il peut s’agir de problèmes de comportement ou d’un travail insuffisant, mais aussi de la volonté de la hiérarchie d’engager quelqu’un d’autre, de discriminations fondées sur la résistance physique ou psychique au stress, sur le genre (avoir un enfant en bas âge), sur l’origine (le racisme n’est pas absent des services) ou sur l’engagement politique ou syndical de la personne visée. Cette dernière est peu à peu ostracisée et finit par tomber malade. La maladie résulte donc bien souvent d’une mauvaise dynamique de groupe ou d’organisation du travail ou encore de la surcharge des équipes.

En général, au lieu de s’interroger sur les motifs de l’absence et de tenter de résoudre les problèmes, les RH et les magistrat·es – qui in fine décident du licenciement – prennent fait et cause pour la hiérarchie. Fontanet a licencié la contrôleuse interne de son département à la demande de son état-major, alors que cette personne avait pointé du doigt – c’était là son travail – des dysfonctionnements dudit état-major. Cette personne est tombée malade après des mois de mobbing intense. Avec le projet Fontanet, la magistrate n’aurait pas eu besoin de la licencier. Elle aurait été privée de salaire et rapidement contrainte de démissionner pour toucher le chômage et payer ses factures.

Pour légitimer son projet, la PLR en appelle à celles et ceux qui, au sein des services, assument un surcroît de travail du fait des absences de collègues. L’auto-assurance signifie que des salarié·es paient une cotisation pour obtenir le droit à leur salaire en cas de maladie. De l’argent est donc prévu pour remplacer les absent·es. Si l’employeur ne le fait pas pour réaliser des économies, il ne peut pas en tenir pour responsables les personnes malades.
La souffrance au travail est une réalité aussi dans le secteur public, en particulier dans les soins et de l’éducation. Il faut y répondre en dotant les services en suffisance et non pas en en tirant prétexte pour démanteler la protection de celles et ceux qui s’engagent pour soigner la population et former les enfants.

Xhevrie Osmani est députée au Grand Conseil genevois, PS.

Christian Dandrès est Conseiller national PS/GE, ancien député au Grand Conseil genevois.

Opinions Agora Xhevrie Osmani et Christian Dandrès Genève

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