Édito

Mort à crédit

Brouillon auto 448
KEYSTONE/Georgios Kefalas
Credit Suisse

«Ce n’était clairement pas le moment de faire des expériences.» Les mots choisis, dans la NZZ de samedi, par Karin Keller-Sutter pour expliquer pourquoi le Conseil fédéral n’a pas appliqué les dispositifs d’assainissement de la loi «Too Big to Fail» au Credit Suisse (CS) resteront dans les annales. Donc, la fameuse législation édictée pour les «banques systémiques» après la crise de 2008 n’a jamais été opérationnelle. On s’en était bien aperçu dans sa prétendue capacité à prévenir les crises, on l’admet désormais pour ce qui est de les résoudre.

En d’autres termes, pour ces banques, la possibilité juridique de faire faillite n’existe plus au contraire de sa réalité financière. Si Credit Suisse a été victime d’un vulgaire bank run (retraits en masse qui entraînent une crise de liquidités), on se doute qu’UBS 2.0 pourrait un jour s’écrouler de la même façon, même avec un durcissement de la loi sur les fonds propres. Et que les contribuables n’auront d’autre choix que de passer une nouvelle fois à la caisse.

Sentant la crise poindre, le Conseil fédéral avait annoncé l’an dernier qu’il travaillait à la mise en place d’un «mécanisme public de garantie». Et c’est plutôt ce concept que Berne a choisi d’expérimenter avec l’aide de la BNS. Massivement. En quinze ans, on est donc passé des 60 milliards de francs prêtés en catastrophe à UBS (puis remboursés) à quelque 259 milliards (quatre mois de PIB national!) injectés du jour au lendemain dans le moribond établissement bancaire racheté 3 milliards par son concurrent. Et il serait cette fois très étonnant que la BNS et la Confédération y retrouvent leurs billes, une fois la situation (provisoirement) «stabilisée».

De fait, de retour en arrière il n’y aura pas. Réduite essentiellement à une mégabanque fragilisée, la place financière suisse a un avenir des plus incertains. Toujours plus alignée sur les intérêts des Etats-Unis, dépendante de l’Etat, la banque suisse a perdu en attrait et surtout en crédibilité. «Vous vous moquez des dictatures et vous pouvez changer la loi en un week-end?», se serait emporté un actionnaire saoudien du CS, selon le Financial Times. Imparable.

On ne va évidemment pas regretter cette déroute. Mais il est temps d’en tenir réellement compte, en tout cas à gauche, et de ne plus cautionner cette pathétique tentative de «rétablir la confiance» en sauvant la fortune de millionnaires imprudents.

Opinions Édito Benito Perez Credit Suisse

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