Opinions

«L’obsession de dénoncer les USA»

Pierre-Alain Wassmer réagit à l’éditorial de Benoît Bréville, historien et directeur de la rédaction du Monde diplomatique, publié dans notre édition du 2 mars en tant qu’invité de la rubrique Agora.
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L’étrange article paru dans Le Courrier du 2 mars sous le titre de «Coup de poker» mérite quelques réactions, tant le discours tenu apparaît coupé de la réalité. D’abord par l’absence totale de condamnation de la Russie, alors que le droit international est manifestement bafoué par cette invasion de l’Ukraine. Alors que des crimes de guerre extrêmement graves sont perpétrés par l’armée russe, en particulier envers des populations civiles. Les nostalgiques d’une URSS «libératrice» doivent ouvrir les yeux. Cette omission est un mensonge, qui veut nous faire croire que l’agression russe n’est pas un crime et la politique de Poutine justifiée.

Ensuite par l’obsession de dénoncer les USA comme responsable de l’escalade, alors que l’escalade est permanente du côté de Moscou, invasion, bombardements, mobilisation complémentaire, missiles hypersoniques, menaces nucléaires, etc. Dans son discours surréaliste, l’auteur de l’article ne voit l’Ukraine que comme un jouet de l’OTAN, une «arène des politiques de puissance», et c’est bien la pire insulte que l’on peut faire à la résistance ukrainienne, alors que les chancelleries occidentales n’avaient pas vu venir cette invasion, et moins encore cru en la possibilité d’y résister. Les Ukrainiens n’ont pas choisi «de prendre parti dans une rivalité entre grandes puissances», ils ont été envahis par la Russie et luttent pour leur indépendance. Ce sont les Ukrainiens qui sont au centre de cette guerre d’agression (la nomenklatura russe ne risque rien), ce sont eux qui sont les principaux acteurs de la résistance et ce sont eux qui demandent de l’aide. C’est face à eux qu’il faut se déterminer.

Finalement la leçon vietnamienne (invoquée dans le texte) vient à point pour nous rappeler qu’un petit pays peut résister à l’agression d’une grande puissance, et que l’envahisseur américain n’aurait probablement pas été chassé sans les armes chinoises et soviétiques. La guerre fait peur, bien sûr, en Suisse aussi, mais il ne faut pas confondre l’agresseur et la victime, il ne faut pas accuser celui qui se défend de «jusqu’au-boutisme» alors que la Russie lance des vagues de soldats sur Bakhmout. Une victoire – toujours possible – de Poutine ne nous garantit en aucune façon la paix, comme on aurait déjà pu le croire après l’annexion de la Crimée. On voit au contraire que ce qui rassure les pays à l’Est de l’Europe, c’est la dissuasion nucléaire et la protection de l’OTAN. Ces pays, y compris la Finlande d’habitude si conciliante, ne croient plus qu’une pétition pour la paix pourrait arrêter Poutine. Le principal résultat stratégique de l’aventure russe aura été de renforcer la solidarité atlantiste et le rôle des Etats-Unis sur le continent européen. Il ne faut pas confondre le rêve ou le mensonge avec la réalité, si pénible soit-elle.

Pierre-Alain Wassmer, Conches (GE).

Précisions de la rédaction: dans l’article incriminé, l’auteur fait clairement état de «l’agression de l’Ukraine par la Russie». Quant à l’usage du terme «mensonge», nous laissons à M. Wassmer la responsabilité de ses propos.

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