Comment renouveler la ville sur elle-même?
En septembre dernier, le quotidien Libération titrait «Urbanisme et urgence climatique: réfléchir ou agir, faut-il choisir?» et posait le débat en ces termes: «Est-il encore temps de cogiter alors que la maison brûle?1>Libération du 11 septembre 2022»Une question légitime car jamais l’urgence climatique n’a autant préoccupé les milieux urbains, et plus largement l’aménagement du territoire. Dans ce contexte, et parmi plusieurs aides à la décision, la Commission d’urbanisme (CU) du canton de Genève cadre et préavise les projets dont elle est saisie, soucieuse de promouvoir des objectifs qualités sur la planification en cours. C’est ici l’occasion d’évoquer quelques enjeux cantonaux en matière d’urbanisme, de patrimoine et de paysage.
Le territoire cantonal est contenu dans un bassin de vie situé dans l’arc lémanique, entouré d’un relief entre le Jura, les Préalpes et le massif du Mont-Blanc. Un environnement et un paysage rural et urbain exceptionnels, où la campagne est largement présente et les pénétrantes de verdure nombreuses. Ces dernières décennies, de multiples plans d’urbanisme se sont succédé, amenant à chaque fois débats, réactions et mise en place d’une planification adaptée aux besoins de la population.
Le dernier rapport du GIEC2>Le GIEC, Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, se penche sur les conséquences du changement climatique pour la nature et l’humain, ainsi que sur les possibilités d’adaptation. Son 3e rapport présente des mesures pour réduire activement les émissions de gaz à effet de serre impose l’urgence climatique comme principale préoccupation pour contribuer à une durabilité de notre mode de vie et du vivant. Le conflit en Ukraine est venu accentuer encore cette pression. L’approvisionnement énergétique, la manière de se déplacer, la façon de consommer, etc., sont autant de défis adressés désormais à la société. Certaines voix dans le canton s’interrogent sur la possibilité de concilier l’attractivité économique et la croissance d’une part, avec des objectifs de durabilité d’autre part. Un débat crucial aujourd’hui, auquel s’ajoute le caractère transfrontalier de la région franco-genevoise (projet du Grand Genève) venant complexifier encore l’équation.
Construire en ville, avec une habitabilité et un cœur de Cité où l’on devrait pouvoir se loger, se former, travailler et se distraire, devient un postulat essentiel. Il s’agit de mettre fin à l’adage «métro, boulot, dodo», sur lequel s’est déployé une culture du «zoning» séparant ces fonctions. L’aspiration à une vie de qualité en ville, comme à la campagne, est désormais au centre des réflexions. Comment articuler avec cohérence le bâti, le domaine public et la biodiversité pour le bien vivre ensemble? Les notions de mixité, proximité, économie circulaire, tout comme la «ville du quart d’heure» et une mobilité durable s’invitent dans les débats, entre autres, au sein de la Commission cantonale d’urbanisme. Celle-ci porte un regard de plus en plus attentif aux conditions possibles de la fabrication d’une ville dirigée vers la transition écologique.
Prenons l’exemple du Plan localisé de quartier (PLQ) de Bourgogne, qui sera soumis à la population de la Ville de Genève le 12 mars. Ce dernier est significatif d’une recherche de réponse au besoin de logements, dont le taux de vacance est particulièrement bas à Genève. Si le plan directeur cantonal prévoit depuis longtemps la réalisation de logements dans ce secteur, le cadre légal du périmètre de la zone a été adopté en 2016, sans soulever aucun débat sur la densité à ce moment-là. Alors qu’il est sage de se reposer les questions de base à chaque étape. Dans le processus d’élaboration, la Commission d’urbanisme a estimé que les intentions du PLQ de Bourgogne se traduisent qualitativement à travers une option de logements écologiques offrant une mixité des âges et des revenus, prenant en compte le vieillissement de la population et l’accessibilité aux personnes en situation de handicap, ainsi qu’une continuité des espaces verts (Geisendorf, Bourgogne et Franchises) et un grand parc au cœur du périmètre. De plus, les services et commerces à proximité, les équipements publics, la mobilité, les emplois concrétisent le principe de la ville à courte distance. Un projet conforme aux recommandations de la Confédération, à savoir la nécessité d’urbaniser vers l’intérieur des villes, pour limiter drastiquement tout déclassement de la zone agricole et des espaces naturels3>La population suisse s’est prononcée le 3 mars 2013 en faveur de la révision de la loi sur l’aménagement du territoire (LAT), en réponse à l’initiative pour le paysage «De l’espace pour l’homme et la nature», qui prévoyait un moratoire de vingt ans sur tout déclassement des espaces naturels et agricoles, et postulait une réserve actuelle de zones à bâtir d’une capacité d’accueil de plus de 2 millions d’habitant·es en Suisse..
Comme la plupart des projets en cours d’études, le travail de la Commission est le fruit de longs processus d’élaboration, qui voient s’effectuer de nombreux allers-retours entre les services du canton, de la Ville, des communes et les porteurs de projet, menant à des choix, des arbitrages, de minutieuses pesées d’intérêts, comme celle de mettre la qualité avant la densité. La votation en Ville de Genève sur le PLQ de Bourgogne offre l’opportunité d’un large débat public qui devrait permettre à chacun·et chacune de se positionner vis-à-vis d’un environnement construit durable, qu’il soit privé ou public.
Notes