Au tournant de la résistance
Vendredi et samedi, Israël a connu le double attentat terroriste le plus sanglant depuis près de dix ans. Un assaillant palestinien a ouvert le feu près d’une synagogue à Jérusalem-Est, faisant sept morts, et un autre, âgé de 13 ans seulement, a blessé deux autres civils. Joe Biden a immédiatement fustigé une «attaque contre le monde civilisé». Si l’indignation est saine et légitime face à ces crimes, l’expression utilisée par le président étasunien et son silence habituel face aux tueries quotidiennes subies par les Palestinien·nes sont révélateurs d’une vision du monde archaïque et raciste, et d’un soutien implicite à la politique coloniale d’Israël.
Rien que depuis le début de l’année, ce sont 30 Palestiniens qui ont perdu la vie. En 2022, au moins 150 personnes, dont 33 enfants et de nombreux civils, ont été tuées par les forces israéliennes en Cisjordanie, sans émotion particulière dans les Chancelleries occidentales. Pas un jour ne se passe non plus sans raids, arrestations, dont de nombreux mineurs, et liquidations physiques dans les territoires occupés, morcelés, militarisés et colonisés. Une situation désormais qualifiée d’Apartheid par plusieurs rapporteurs des Nations unies et Amnesty International.
L’explosion du nombre de morts en Cisjordanie depuis 2021 est liée à la nouvelle résistance palestinienne qui a vu le jour face aux incursions militaires quotidiennes d’Israël, en particulier dans les régions de Jénine et de Naplouse. Cette riposte armée est aujourd’hui portée – c’est un phénomène nouveau – par des jeunes sans appartenance partisane, loin de l’Autorité palestinienne, du Fatah et de sa branche armée, largement discrédités. Si l’on peut craindre que certains d’entre eux recourent à des attentats contre des civils, comme ceux commis en fin de semaine dernière à Jérusalem, cela ne fait pas pour l’instant partie de leur mode opératoire, qui cible les forces militaires d’occupation.
Mais tant qu’Israël et les Etats occidentaux continueront à considérer le terrorisme comme l’expression d’une maladie portée par une «civilisation» barbare, plutôt que comme le symptôme criminel d’une oppression subie, du désespoir et d’un blocage politique, il ne pourra que continuer à prospérer. Pour l’heure, les nouveaux combattants palestiniens ont trouvé d’autres formes de résistance et redonnent, qu’on le veuille ou non, un peu d’espoir à la jeunesse palestinienne, ou du moins, un exutoire.
L’émergence de ces nouveaux mouvements vient combler le vide laissé par l’effondrement de la raison d’être même de l’Autorité palestinienne (AP) issue des accords d’Oslo en 1994: la construction progressive d’un Etat palestinien aux côtés de l’Etat hébreu, solution que les gouvernements israéliens successifs ont sabotée, sous le regard impassible des «arbitres» étasunien et européen. Faute d’horizon, s’opposant à la coopération sécuritaire de l’AP avec Israël, une partie de la jeunesse tente de trouver chemin faisant une alternative en s’organisant elle-même, refusant de regarder passivement l’annexion en cours de son territoire.
C’est une page qui se tourne, expliquait récemment Gideon Lévy, éditorialiste du quotidien israélien Haaretz, celle où les Palestinien·nes ont joué la carte de la modération et de l’Occident1>«Biden signe le certificat de décès des Palestiniens», Haaretz, 16 juillet 2022.. Un échec qui fait malheureusement craindre une explosion prochaine des violences et des tueries, et pas que du côté palestinien.
Notes