Édito

L’obscurantisme 2.0

L’OBSCURANTISME 2.0
KEYSTONE
Afghanistan

Le 24 décembre, le pouvoir en place resserrait d’un cran la férule imposée aux femmes d’Afghanistan. Le ministère afghan de l’Economie ordonnait ce jour-là à toutes les organisations non gouvernementales de cesser de travailler avec elles sous peine de suspendre leur licence d’exploitation.

Or sans leur personnel féminin, l’accès à leurs bénéficiaires est impossible pour de nombreuses ONG nationales et internationales.  Et de très nombreux services seront touchés, tels l’accès à l’eau, à l’hygiène, à la protection (les services destinés aux survivant·es de la violence ou à la prévention de l’exploitation et des abus sexuels ont été fermés), à la nourriture ou au logement. Selon ONU Femmes, les familles dirigées par des femmes représentent près d’un quart des ménages afghans. Le décret du 24 décembre menace la subsistance de ceux qui dépendent d’une ONG. Précédemment, les prétendus talibans 2.0 avaient recouvert les images des femmes dans l’espace public avant d’invisibiliser celles-ci en réinstaurant la burqa obligatoire. Le pouvoir avait ensuite exclu les femmes des écoles secondaires puis des universités publiques et privées, au nom du respect des principes islamiques de pudeur. Privées d’accès à l’éducation et de participation à la vie publique, les jeunes filles sont d’autant plus vulnérables aux mariages forcés et aux abus.

Cette nouvelle décision du pouvoir taliban est un coup à double bande. Elle assoit le contrôle de celui-ci sur la population et en particulier sur les femmes – éternelles représentantes de la pureté patriarcale, qui continuent néanmoins à manifester pour leurs droits, malgré le danger encouru. Elle affirme d’autre part sa souveraineté face à la communauté internationale qui fait des droits des femmes l’un de ses étendards préférés quoique amovibles. C’est aussi pour sauver ceux-ci que l’administration du président américain George W Bush lançait en 2001 sa «guerre contre le terrorisme» et envahissait l’Afghanistan; vingt ans plus tard,  Joe Biden retirait ses troupes d’un pays instable et incapable de faire respecter les droits humains – étendard en berne. Cette dernière dégradation de la situation au détriment des femmes ne doit pas masquer la responsabilité de l’Occident. Les violences américaines en Afghanistan, notamment les attaques aveugles par drones, ont contribué à «extrémiser les positions», selon l’expression du spécialiste de l’Afghanistan George Lefeuvre, alimentant ce qu’il s’agissait de combattre. Aujourd’hui, les Afghanes paient le prix fort d’intérêts politiques qui les asservissent.

Opinions Édito Dominique Hartmann Afghanistan

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