Édito

Accueillir sans réserve

Accueillir sans réserves
Une jeune enfant afghane dans un campement provisoire de Kaboul qui accueille les populations ayant fui les combats entre les talibans et l'armée, au nord du pays. KEYSTONE
Afghanistan

Voilà donc la progression fulgurante des talibans couronnée du succès suprême: la chute de Kaboul, capitale et ville-refuge, symbole jusqu’il y a peu d’une liberté fragile mais possible. L’armée des «étudiants en religion» ne promettait-elle pas de s’arrêter aux portes de la cité? Inutile de se bercer d’illusions, pareille conquête éclair – une dizaine de jours – ne souffre aucune concession. Le transfert du pouvoir n’est déjà plus qu’une formalité, le président Ashraf Ghani ayant fui à l’étranger dimanche. Seul se négocie, selon toute vraisemblance, le rapatriement des étrangers en poste à Kaboul et celui, plus sensible, des Afghans qui ont travaillé pour eux – «collaboré», aux yeux des nouveaux maîtres du pays.

Place à un Emirat islamique en Afghanistan, en lieu et place d’une démocratie. La pilule est amère pour les Etats-Unis, qui avaient prétendu y bâtir un Etat sûr et autonome dans le sillage d’une invasion destinée à pourchasser les responsables du 11 Septembre. En vingt ans, 2500 militaires étasunien·nes ont péri, auxquel·les s’ajoutent les employé·es civil·es ainsi que plus d’un millier de soldat·es de pays alliés et, chiffre effarant, au moins 160’000 Afghan·es. Pour rien?

Le bilan est trop désastreux, l’heure trop grave pour un inventaire exhaustif. L’urgence est humanitaire. Dans ce domaine, l’Europe et la Suisse ont leur rôle à jouer. Si le HCR et les ONG ont, dans une certaine mesure, anticipé la débâcle pour venir en aide aux populations, l’ampleur de la tâche dépendra en grande partie du comportement des talibans à l’égard des civil·es. Une application stricte de la charia et une épuration brutale provoqueraient un exode massif. En premier lieu vers les pays voisins, mais pas seulement.

Face à la nouvelle donne, la suspension par la Suisse des renvois de migrant·es afghan·es, annoncée mercredi par le Secrétariat d’Etat aux migrations, bien qu’à saluer, n’est pas suffisante. L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) et la section suisse d’Amnesty International réclament l’admission temporaire des demandeurs et demandeuses d’asile afghan·es, le réexamen des demandes rejetées ainsi que l’octroi de visas humanitaires aux proches de ressortissant·es afghan·es bénéficiant de l’asile.

C’est bien le minimum. Les discours indignes sur «l’appel d’air» et le «signal négatif» que constituerait un assouplissement de la politique d’asile helvétique ne doivent pas faire fléchir la Confédération. Il en va de notre devoir humanitaire le plus élémentaire. La Suisse doit par ailleurs s’engager dans un effort concerté, à l’échelon international, pour venir en aide aux victimes de la crise humanitaire et migratoire à venir.

Opinions Édito Roderic Mounir Afghanistan

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