Que des promesses en l’air
Alireza est mort. Il avait 18 ans, vivait depuis un an et demi au Foyer de l’Etoile et rêvait d’une vie meilleure que celle qu’il avait laissée derrière lui. Son salut passait par une intégration ici, à Genève. Il avait pour lui la maîtrise du français et l’envie d’apprendre, luttant pour dépasser les traumatismes de l’exil. Une situation fragile, qui tenait à l’espoir de voir un énième recours aboutir devant le Tribunal administratif fédéral, tandis qu’un réseau attentif le soutenait à bout de bras. Educateur, famille-relais, juristes et amis croyaient en son avenir. Lui n’y a plus cru quand, il y a une semaine, la machine à broyer fédérale lui a signifié définitivement son renvoi en Grèce, son enfer, faisant fi des alertes médicales qui prédisaient un possible passage à l’acte suicidaire. Le Secrétariat d’Etat aux migrations a pris le risque, le prix à payer est incommensurable.
Le décès de ce jeune Afghan est un drame. Il est d’autant plus incompréhensible qu’une tragédie similaire avait déjà touché le Foyer de l’Etoile il y a quatre ans. Qu’a-t-on fait pour ces jeunes dans l’intervalle? Laissés dans l’incertitude d’un déménagement qui ne vient jamais, empilés dans des containers et isolés en bordure d’une zone industrielle, exposés à l’arbitraire voire à la violence d’agents de sécurité. Les éducateurs et éducatrices ont beau être dévoué·es, l’équipe aussi a plusieurs fois appelé au secours face à l’ampleur de la tâche. On demande à ces jeunes des efforts d’intégration, sans jamais leur donner des perspectives d’avenir concrètes.
Les autorités genevoises ont beau jeu de dire aujourd’hui qu’elles n’exécutent pas systématiquement les décisions de renvoi formulées par Berne. Alireza n’a pas cru à cette nouvelle promesse en l’air qui n’engage à rien. S’il l’a seulement entendue, car les politiques ne mettent pas souvent les pieds au Foyer de l’Etoile. Pour lui, le retour en Grèce était inconcevable. La voie qu’il a choisie, quoique irréversible, lui a parue plus soutenable.
Ce n’est pas l’échec de ses soutiens, mais le naufrage d’un système où l’on s’accommode de pertes humaines comme de dommages collatéraux. Alireza a fui la guerre et un régime totalitaire pour mourir dans un pays démocratique mais insensible. Quel cynisme. Sa disparition suscite l’indignation, mais pour combien de temps? L’histoire qui se répète montre que les bonnes intentions sont loin de suffire. Genève doit dire stop. Crier à Berne qu’il n’y aura pas de nouveau mort à l’Etoile, ni ailleurs. Ne plus être le témoin passif d’une politique d’asile mortifère.