Des présents et des absents
Lundi s’est ouvert à Genève le procès de l’incendie du foyer pour requérant·es d’asile des Tattes. Un drame survenu… en 2014, soit il y a huit ans déjà. Dans nos colonnes, en 2019, la procureure en charge du dossier affirmait ne pas avoir voulu bâcler la procédure, pour justifier la longueur de l’instruction. Il n’empêche que ce délai est long, très long. A titre de comparaison, c’est le même temps qu’il a fallu à la justice genevoise pour condamner Erwin Sperisen, l’ancien chef de la police du Guatemala, pour complicité d’assassinats. Dans le cas présent, les faits ne se sont pas déroulés sur un autre continent, mais bien à Genève. Les protagonistes du drame y résidaient tous à l’époque. Ce qui n’est plus forcément le cas aujourd’hui.
Au premier jour du procès, les absents sont nombreux car, victimes ou pas, la machine asile ne s’est pas arrêtée pour laisser le temps à la justice d’opérer. Certains requérants ont été expulsés du territoire, d’autres ont disparu avant de connaître ce sort. Pour ces personnes, les audiences viennent trop tard, leur statut d’expulsé a remplacé celui de victime aux yeux de l’administration. Un statut manifestement important, puisque de nombreux et nombreuses ancien·nes résident·es des Tattes ont fait le déplacement lundi au Palais de justice, afin d’obtenir des réponses.
Le procès, qui est appelé à durer quatre jours, ne les apportera sans doute pas toutes. Sur le banc des accusés, deux agents de sécurité, un ancien résident (l’autre ne s’est pas présenté) et un ex-responsable incendie des Tattes devront répondre des événements qui ont conduit au décès d’un résident et occasionné de nombreuses blessures à une quarantaine d’autres personnes. Un homme n’a, depuis, plus l’usage de ses jambes. Mais l’Hospice général tout comme l’Etat et l’agence de sécurité Protectas n’ont pas été inculpés à la fin de l’instruction. Pourtant, une expertise accablante avait pointé du doigt une dizaine de manquements à la sécurité, tels que détection incendie absente des chambres, alarme non rattachée à la centrale des pompiers, portes coupe-feu impossibles à ouvrir sans clé dans un sens, etc. Des manquements que l’Etat a toujours niés.
Au final, ce ne sont que des individus qui sont jugés cette semaine et pas un système qui n’a pas pris au sérieux les divers signaux d’alarme, dont un précédent incendie. Se serait-on accommodé du statu quo s’il ne s’était agi d’un centre pour requérant·es d’asile? Au terme de ce procès, la justice sera rendue. Mais il n’est pas certain que les victimes recevront les réponses auxquelles elles ont pourtant droit pour pouvoir se reconstruire.