Face aux déserteurs, une cohérence nécessaire
Des peines allant jusqu’à 10 ans de prison pour refus de servir. Des enrôlements forcés. Des arrestations avec violence policière lors des manifestations contre la guerre. Le Kremlin ne lésine pas sur les moyens quand il s’agit de brimer l’opposition de son peuple à sa politique belliqueuse en Ukraine. Et depuis l’annonce de la mobilisation des réservistes la semaine dernière, des dizaines de milliers de Russes se pressent aux frontières pour fuir le pays. Des hommes, mais aussi des femmes et des enfants. Les pays européens limitrophes se referment, les Etats baltes et la Pologne ayant restreints leurs conditions d’accès. Les ambassadeurs ukrainiens crient à la menace d’infiltration d’espions russes parmi les arrivées.
L’Allemagne a quant à elle donné un signal positif à ceux qui refusent de prendre les armes pour participer aux funestes projets de Poutine, en se déclarant prête à accueillir les déserteurs russes menacés de grave répression. La Suisse doit maintenant se positionner. Il n’est pas acceptable de condamner la guerre contre l’Ukraine tout en laissant tomber ceux qui s’y opposent au sein de la Russie. Les objecteurs de conscience et déserteurs russes – ainsi que les opposant·es au régime – ont besoin de notre solidarité.
Refuser de tendre la main à des personnes qui pourraient affaiblir considérablement l’illégale et abjecte agression russe de l’Ukraine serait incompréhensible au regard du rôle de garant des Conventions de Genève joué par la Suisse. D’autant plus qu’aller sur le front, c’est risquer de participer à des crimes de guerre. S’y opposer, c’est risquer de passer dix ans dans les geôles russes.
Quant à la menace d’infiltration d’espions, avancée par les ambassadeurs ukrainiens en Suisse et en Allemagne, elle ne doit pas servir de prétexte pour fermer nos frontières aux opposant·es en danger.
Il est temps que la Suisse se montre courageuse et prenne la parole publiquement pour l’accueil des objecteurs de conscience russes et des opposant·es, de la même manière qu’elle s’est exprimée contre la guerre. Elle pourrait associer sa voix à celle de l’Allemagne au sein de l’espace Schengen, pour une politique d’accueil coordonnée. Les critères des visas humanitaires doivent être revus pour un véritable accès à la procédure d’asile en Suisse. L’exclusion de la désertion des motifs d’asile telle que pratiquée par le SEM n’est pas justifiable, la situation actuelle vient le rappeler. Cela doit changer. Pour les Russes, mais aussi pour les Erythréens, les Syriens et tous ceux que le choix de la désertion met en danger.