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Manque de préparation

Marc Wuarin regrette l’absence de possibilité vaccinale en Suisse contre la variole du singe.
Epidémie

Le 23 juillet dernier, nous apprenions que la variole du singe était qualifiée d’urgence de santé publique de portée internationale par l’OMS. Pour celles et ceux qui suivaient la situation, ce ne fut pas étonnant. En effet, la variole du singe progressait déjà à grands pas à travers de nombreux pays; en Europe même, l’Espagne et le Portugal avaient déjà détecté respectivement 120 et 96 cas à fin mai. Au 19 juillet, l’Espagne signalait 3125 cas confirmés, l’évolution est fulgurante.

Au vu de la contagiosité et des risques accrus en période estivale – les rassemblements records des festivals de musique par exemple – les Etats-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, ou encore la France, ont lancé de grandes campagnes de vaccination.

Pourtant, à ce jour, la Suisse ne semble toujours pas s’alarmer.

On peut comprendre les difficultés à parler efficacement de cette maladie, notamment au vu des messages portés jusqu’ici dans certains médias qui se sont sans doute montrés aussi désastreux que possible. En quelques publications, ces derniers ont réussi un combo fatal: pointer du doigt la communauté gay, tout en minimisant les conséquences de cette maladie, car, après tout, elle était apparemment cantonnée aux hommes gays.

Cette couverture médiatique est problématique à plusieurs égards. Tout d’abord on sous-entend que les hommes ayant des relations avec les hommes sont indignes de considération et seraient finalement responsables de leurs symptômes. C’est encore une fois une invisibilisation et une stigmatisation de notre communauté qui est d’autant plus insensée que nous sommes aujourd’hui moins marginalisés.

Il convient de le rappeler: la variole du singe n’est pas une IST. Il suffit d’un contact physique – comme dans la foule d’un festival de musique par exemple – ou de longues conversations rapprochées, d’un partage de linge ou de draps, pour une transmission. En cela, l’invisibilisation augmente non seulement les risques pour les personnes ayant des comportements à risque, mais aussi pour chaque membre de la société qui les côtoie. Stigmatiser la maladie comme étant réservée aux hommes ayant des relations avec des hommes, c’est mettre en danger tous les hétérosexuels qui ne voudront pas porter le stigmate qui y est associé. C’est potentiellement mettre de jeunes hommes dans des situations dangereuses au sein de leur cercle familial également, qu’ils soient homosexuels ou simplement suspectés de l’être à cause de la maladie. Les chaînes de transmission peuvent devenir longues et opaques. Sachant que les personnes à risque sont principalement les femmes enceintes, les enfants en bas âge et les personnes avec un système immunitaire affaibli, le refus de parler ouvertement de cette question, en la réduisant à une frange de la société dépeinte comme insignifiante, en lieu et place de la traiter avec ambition, pose de sérieux risques.

D’autres pays ont pourtant pris les devants en organisant des campagnes d’informations ciblées et en rendant des vaccins accessibles (certes imparfaits, mais qui ont prouvé leur efficacité) aux personnes à risque et aux groupes plus exposés et donc à même de devenir porteurs: les jeunes qui participent à de grands rassemblements, les personnes ayant des relations sexuelles multiples ou encore les athlètes qui participent à des sports de contact. Ils mobilisent les personnes concernées, les associations de terrain, mettent en place des lignes téléphoniques destinées à la gestion de la situation et permettent aux personnes souhaitant s’impliquer dans la prévention de participer à la solution.

Genève a enfin mis en place une ligne téléphonique dédiée et une documentation appropriée sur son site, mais l’absence de possibilité vaccinale en Suisse signale, une fois encore, un manque manifeste de préparation ou, pire, de prise au sérieux du danger.

La crise du covid fut éprouvante pour la société, et il est normal que nous ayons tous envie de passer à autre chose. Il est également nécessaire de ne pas alarmer les populations sans raison.

Cependant, les chiffres aujourd’hui ne sont plus discutables et les risques non plus. Les témoignages de personnes qui souffrent grandement de cette maladie sont aujourd’hui légion – il suffit de parcourir pendant quelques minutes les réseaux sociaux.

Tirons les leçons de cette dernière crise et agissons maintenant.

Marc Wuarin,
Coprésident des Jeunes Vert’libéraux genevois et candidat au Conseil d’Etat

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