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Et si on planifiait?

Un avenir à désirer

Nous avons conclu notre dernier article au sujet des coopératives avec le constat que si les coopératives permettent la démocratie au sein de l’entreprise et une production davantage axée sur des besoins réels, elles ne suffisent néanmoins pas à donner une direction cohérente et écologique à l’économie dans son ensemble. La planification de l’économie pourrait potentiellement répondre à ce besoin. Alors que le concept de planification n’était pas en vogue ces dernières décennies, il revient sur le devant de la scène politique – crise écologique oblige. Jean-Luc Mélenchon, par exemple, propose une planification écologique qui impliquerait les citoyennes dans l’élaboration d’un plan national et prévoirait une programmation budgétaire pour chaque secteur, ce qui pourrait réellement permettre une application sérieuse des objectifs climatiques.

A quoi pourrait donc ressembler un système avec une économie planifiée? Dans les grandes lignes, l’Etat se chargerait de fournir le capital aux entreprises d’une certaine taille et serait responsable de la gestion de leur production. Les entreprises avec une grande influence sur le marché seraient donc nationalisées ce qui permettrait de coordonner la production dans une logique de décroissance écologique. Concrètement, cela signifierait par exemple que l’autorité publique déciderait combien de montres peuvent être produites en Suisse et fournirait une somme correspondante au secteur de l’horlogerie suisse. Accessoirement, les élu·es pourraient décider que les montres de luxe ne sont pas indispensables et reconvertir le secteur de l’horlogerie suisse pour qu’il produise des biens plus utiles. En théorie, une planification judicieuse permettrait de produire uniquement ce qui est tenu pour réellement nécessaire. Ceci mettrait enfin un terme à notre système qui pousse au gaspillage de ressources.

Mais c’est évidemment l’expérience de l’URSS qui vient à l’esprit quand on entend le terme de planification. Dans l’économie soviétique, il n’y avait presque plus de marché et toutes les décisions concernant l’organisation de la production, les prix, la quantité, etc. des marchandises étaient prises selon un plan global.

Ce système a mal fonctionné pour des raisons complexes et diverses. Un problème majeur était la concentration du pouvoir dans les mains d’une petite élite qui prenait les décisions pour toute la population, ce qui rendait l’URSS fondamentalement anti-démocratique. Citoyen·nes et consommateur·trices n’avaient plus vraiment d’autonomie ni de liberté dans leur choix de vie. Assurer la motivation des travailleur·euses était compliqué alors que l’investissement ne dépendait pas de la qualité du bien produit ou de la prestation fournie. De plus, un système économique de tout un pays est extrêmement complexe, et planifier la production de bout en bout nécessite une énorme quantité de données, ainsi que la capacité de les analyser et prendre des décisions cohérentes en conséquence. Ceci n’a pas fonctionné pour l’Union soviétique et le plan global de production n’était donc pas adapté aux besoins de la population. Par conséquent, l’économie soviétique est restée tristement célèbre pour son inefficacité et son manque de démocratie, et fait toujours figure de repoussoir.

Mais est-il alors encore possible de se rallier à un idéal de maîtrise commune de notre production, ou l’idée même de planification est-elle vouée à être inopérante et bureaucratique? Il existe de plus en plus de réflexions autour d’une planification qui serait réellement fonctionnelle et adaptée au XXIe: Comment planifier l’économie à l’aide des nouvelles technologies, comment s’assurer d’un mode de décision démocratique, etc.

Ainsi, malgré l’exemple peu convaincant de l’URSS, la planification économique reste – sous des formes renouvelées – une alternative potentielle au capitalisme actuel.

Si le financement des différents secteurs est planifié, la logique égoïste qui pousse à investir uniquement pour son propre profit et sans considérations écologiques ou sociales disparaît. La planification porte en elle l’idée – cruciale pour notre époque – d’une plus grande maîtrise de la société sur ce qu’elle produit et sur notre place dans l’équilibre planétaire. Notre prochain article présentera les réflexions actuelles sur les formes que pourrait prendre une planification en adéquation avec notre temps.

Prochain rendez-vous mercredi 10 août.

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mardi 19 avril 2022

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