Etat arbitre ou acteur?
Les chauffeurs de taxi indépendants ont manifesté hier à Genève sous les fenêtres de la conseillère d’Etat Fabienne Fischer. En cause, le sac de nœuds de l’affaire Uber. En clair: il est demandé à la société californienne de respecter l’arrêt du Tribunal fédéral du 31 mai dernier, au terme duquel les chauffeurs de la plateforme sont considérés comme des salariés et non comme des indépendants. Une simple question d’équité, relèvent les taxis.
Car, pour l’heure, un flou artistique subsiste. Uber a certes annoncé vouloir se plier à l’arrêt du Tribunal fédéral – ce qui est la moindre –, mais l’entreprise a aussi commencé à user d’arguties juridiques. Les chauffeurs sont ainsi priés de réclamer les sommes qui leur sont dues. Les victimes doivent apporter elles-mêmes la preuve des détournements qu’elles ont subis, font remarquer les syndicats. Sans oublier la crainte d’éventuelles représailles de la part de l’employeur. Les sommes en jeu sont considérables. Selon le syndicat Unia, les salaires rétroactifs dus représentent quelque 60 à 100 millions de francs au niveau national. Auxquels il convient d’ajouter 20 millions de cotisations sociales à rattraper!
Les autorités seraient bien inspirées d’utiliser la méthode forte. Des entreprises aussi globalisées qu’Uber utilisent chaque faille pour gagner du temps qui comme chacun le sait est de l’argent. Cela fait même partie de leur modèle économique.
Cela suppose que l’Etat soit outillé pour résister à ces stratégies de guérilla juridique, ce qui est loin d’être le cas. Et qu’il soit en mesure de montrer les dents et de protéger la partie faible – les travailleuses et les travailleurs – contre la partie forte.
A trop jouer la carte de la négociation – qui dans ce cas d’espèce affaiblit le mouvement social – et tabler sur la bonne foi de la partie adverse, il en vient à négliger ce qui fait le fonds de commerce de cette nouvelle économie: elle met en avant les vertus d’un marché libre et non faussé pour mieux masquer la réalité de son fonctionnement. A savoir des relations de travail fondées sur la précarité et la vulnérabilité de personnes qui n’ont d’autre choix que d’accepter ces jobs au rabais.