Édito

Pour Uber, gagner du temps c’est de l’argent

Pour Uber, gagner du temps c’est de l’argent
Uber est utilisé par un client à Genève. KEYSTONE.
Uber

Il ne suffit pas d’interdire Uber pour arrêter Uber. Encore faut-il faire appliquer et respecter la loi. Telle est l’implacable morale de l’enquête internationale «Uber Files», publiée par un consortium de médias européens, qui révèle les coulisses de la société californienne active dans le transport individuel privé. Les médias suisses ayant accès aux «leaks» n’ont pas encore publié leurs articles, gageons qu’ils révèleront des informations intéressantes. Dans l’intervalle, certaines similitudes interrogent d’ores et déjà.

Lorsqu’il était ministre de l’économie entre 2014 et 2016, Emmanuel Macron a œuvré en coulisses pour favoriser une dérégulation du marché des taxis. A Berne, le conseiller national PLR Philippe Nanternod souhaiterait voir créé un «nouveau statut» pour les chauffeurs Uber afin d’adapter «les lois à leur époque». «Durant ma carrière, je n’ai jamais rencontré une oreille aussi attentive des autorités», affirmait le directeur d’Uber Suisse, en évoquant son expérience à Genève, où l’entreprise s’est établie en 2014, avant de se développer en Suisse. Ou encore: «Genève fait clairement partie des bons élèves, grâce à l’intelligence et à la détermination de son ministre Pierre Maudet».

Pour Jean Christophe Schwaab, spécialiste du droit du travail et ancien conseiller national socialiste, Uber se conduit comme le feraient des «braqueurs»1>24Heures/Tribune de Genève  du 11 juillet: «Ils sont venus comme une bande de braqueurs qui traverserait la frontière avec l’intention de commettre des délits et qui espère que cela devienne légal quelques années plus tard. Finalement, ils espèrent que les autorités vont s’aplatir devant eux en créant une nouvelle loi.»

Le scandale suscité par la divulgation des méthodes d’Uber va-t-il enfin favoriser l’application de l’arrêt du Tribunal fédéral par les autorités genevoises et suisses? Au bout du lac, l’application permettant de connecter chauffeurs et client·es n’a été suspendue qu’une dizaine de jours, alors même que les dettes du passé ne sont pas soldées et que des centaines de chauffeur·ses se retrouvent sans revenus ni réelles perspectives. La tentative de conciliation auprès de la Chambre des relations collectives du travail a échoué mardi. La conseillère d’Etat chargée de l’économie propose à nouveau ses «bons offices». Les faits démontrent que la société américaine n’entend pas se plier aux législations locales. En revanche, elle cherche à gagner du temps pour engranger encore davantage d’argent. Jusqu’au jour où elle quittera le territoire. L’heure n’est plus au juridisme, mais au courage de prendre des décisions politiques. C’est sur ce dossier que Fabienne Fischer joue sa réélection.

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Opinions Édito Christiane Pasteur Uber

Autour de l'article

Macron, serviteur zélé

lundi 11 juillet 2022 Sacha Nelken
Selon le Consortium international des journalistes d’investigation, entre 2014 et 2016, le président, alors ministre de l’Economie, a œuvré pour Uber pour faire évoluer la réglementation en sa faveur.

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