Je lis avec stupeur les propos de l’ex-conseiller d’Etat vaudois Philippe Leuba à propos de la Russie poutinienne dans votre édition du 13 juin 2022: «Je n’ai aucune sympathie pour le régime de Monsieur Poutine, j’ai toujours été de manière virulente anticommuniste. Je mourrai anticommuniste. Ma famille a hébergé des Tchèques en 1968».

Le motif de M. Leuba pour justifier son opposition au régime de Vladimir Poutine est positivement hilarant. Certes, avant 1991, Poutine était membre du «Parti communiste de l’Union soviétique». Mais comme le relevait le professeur Aleksandr Buzgalin (université de Moscou), «au sein du PCUS, il y avait deux catégories de gens: les communistes et les membres du Parti». L’historien Pierre Broué, relatant un voyage en Union soviétique à l’époque de la perestroïka, se gaussait d’un jeune enseignant, se lamentant sur le sort du tsar Nicolas II et de sa famille, en relevant que «ce garçon, au demeurant agréable, était secrétaire de la cellule du PCUS de son lycée» (communication au colloque Jules Humbert-Droz, La Chaux-de-Fonds, 1991).

S’il fallait une preuve que Poutine n’a rien à voir avec le communisme (non sa caricature stalinienne), il suffit de lire son discours du 24 février 2022, dénonçant Lénine pour avoir reconnu le droit à l’autodétermination de l’Ukraine et des autres nations opprimées par le tsarisme.

Leuba succombe par ailleurs à la vulgate historique, faisant des soulèvements en Europe de l’Est (de 1953 à 1989) de simples épisodes d’une «lutte anticommuniste prolongée». Or, la contestation des régimes bureaucratiques est souvent venue de l’intérieur des partis gouvernants: le cercle Petöfi (à Budapest, en 1956), le limogeage de Novotny (en 1968, à Prague) par le comité central du Parti communiste tchécoslovaque.

En conclusion, les propos de M. Leuba relèvent d’une citation appropriée de Léon Trotsky: «[S. Weil] a assurément le droit de ne rien comprendre. Mais il ne faudrait tout de même pas abuser de ce droit» (L. Trotsky: Il faut apprendre à penser, 20 mai 1938) (marxists.org).

Hans-Peter Renk, Le Locle