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La mobilité à un tournant

La mobilité à un tournant
A l'horizon 2050, les véhicules individuels seront tous électriques ou à hydrogène. KEYSTONE
Climat

Le vote est historique, même si le processus lancé mercredi doit encore franchir plusieurs étapes institutionnelles: le parlement européen a voté la fin du moteur thermique à l’horizon 2035. A cette date, en dehors de quelques produits de niche, plus aucune nouvelle voiture ou camionnette roulant à l’essence ou au diesel ne sera autorisée. Même les mobilités hybrides seront proscrites! Ne resteront que les véhicules électriques ou à hydrogène. L’essence sera réservée aux camions, machines de chantiers et autres engins de force.

Une manière de répondre à l’urgence climatique. La durée de vie médiane d’une voiture est d’environ dix-huit ans; en vingt-cinq ans, l’entier du parc automobile est renouvelé. Bref, à l’horizon 2050, l’essence ou le diesel devraient avoir disparu de notre quotidien en termes de mobilité individuelle. Plusieurs pays anticipent d’ores et déjà ces échéances. La Norvège – qui dispose de grosses ressources hydro-électriques – voit dorénavant une majorité de nouveaux véhicules (68%) être mus par un moteur électrique.

La décision du parlement européen est lourde de conséquences. Et marque un tournant: le moteur thermique a rythmé depuis quelque cent cinquante ans l’expansion de l’économie-monde. Le pétrole s’inscrit dans une logique de capitalisation marchande – il peut être stocké – et s’insère donc parfaitement dans la dynamique du capitalisme. Le passage à une énergie de réseau, bien plus décentralisée, va profondément participer à remodeler notre environnement et nos habitudes en matière de mobilité. Une voiture électrique se recharge souvent à domicile, dans un garage disposant d’une prise: quid à l’avenir des stations-service? Nos voyages seront sans doute plus morcelés; faut-il relancer la capacité de transporter par train son véhicule pour de grandes distances?

Et surtout, la transformation de notre parc automobile n’occulte-t-il pas d’autres enjeux urbains? Notamment l’encombrement de nos villes par les véhicules des particuliers, alors que l’avenir est surtout à la mobilité douce ou aux transports en commun.

La Suisse est mal préparée à cette révolution copernicienne. Le rejet de la loi sur le CO2 en votation semble avoir tétanisé nos édiles. L’Europe va lui forcer la main – tant mieux, on n’imagine guère un Alleingang helvétique en la matière – mais il serait heureux que notre pays anticipe plus largement ces évolutions. A défaut, il se les verra imposer de l’extérieur, ce qui ne sera guère propice à une adaptation de son tissu industriel et générera forcément quelque casse sociale.

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