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La fable nucléaire freine la transition énergétique

En détaillant les failles de la politique pronucléaire française, Ilias Panchard relève qu’un mix énergétique à dominante nucléaire constitue un «frein massif» au développement des énergies renouvelables. Explications.
Energie

Le nucléaire serait une énergie non polluante? L’Allemagne remplacerait-elle le nucléaire par du charbon climaticide? La sécurité d’approvisionnement du nucléaire serait parfaite alors que les énergies renouvelables ne seraient pas fiables?
Ces assertions générales sont largement présentes dans le débat public. Or, elles sont fausses. En tant que militant·es antinucléaires, nous y sommes souvent confronté·es et y répondons toujours avec sérieux et pédagogie. D’autant plus que les prétendues vertus du nucléaire reviennent désormais en force dans le débat public. Ces revendications, malgré leurs allures de chant du cygne, doivent être combattues avec force.

Lors de la récente campagne présidentielle française, Emmanuel Macron a annoncé vouloir construire plusieurs nouveaux réacteurs, alors même que le chantier catastrophique de l’EPR de Flamanville n’est de loin pas terminé. Un chantier commencé en 2007, dont le retard ne cesse de s’allonger et dont le coût est passé de 3,4 milliards d’euros à un coût final estimé à plus de 19 milliards par la Cour des comptes. Un fiasco ahurissant qui ressemble de plus en plus au scandale industriel du siècle. Indigne d’une politique énergétique sérieuse, volontariste et d’avenir.

Cette politique pronucléaire présente dans toutes les strates industrielles et intellectuelles françaises depuis des décennies a mené le pays au bord du gouffre énergétique. Etant donné son vieillissement et des problèmes de corrosion fréquents, il n’est pas rare de voir la moitié du parc nucléaire français à l’arrêt. De plus, la chaleur et le manque d’eau contraignent régulièrement EDF à réduire sa production car le refroidissement des centrales n’est plus possible lorsque la température de certains fleuves est trop élevée. Les situations de sécheresse risquent de se reproduire régulièrement à l’avenir.

Notons aussi qu’un mix énergétique fortement nucléarisé freine massivement le développement des énergies renouvelables. Un récent classement de l’Institut de statistique européen montre que la France est le cancre du continent en matière de développement du renouvelable. La priorité politique, industrielle et donc financière visant au maintien à tout prix du parc nucléaire est donc un frein massif pour atteindre un objectif de mix energétique 100% renouvelable. Le pays ne compte péniblement que quelques dizaines d’éoliennes offshore en cours d’installation, alors que le Royaume-Uni ou l’Allemagne en compte déjà plus d’un millier.

En Suisse aussi, nous pouvons affirmer que la transition énergétique n’est pas assez ambitieuse. Comme l’affirmait récemment Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale chargée de l’énergie, le pays a trop tardé à développer les énergies renouvelables ces dernières années.

La relance du nucléaire que certains, dont le PLR et l’UDC, veulent nous imposer – payée avec l’argent des contribuables – n’augmenterait pas seulement les risques d’accidents et la production de déchets. Miser sur la construction de nouveaux réacteurs, dangereux et coûteux, ferait aussi perdre du temps et des moyens précieux face à la transition énergétique, essentielle pour répondre avec sérieux à l’urgence climatique.

Les arguments pour une sortie rapide et par étapes du nucléaire sont sans équivoque: vulnérabilité de la population et de l’environnement en cas de catastrophe nucléaire, coûts et délais exorbitants nécessaires à la construction d’une centrale, sources d’eau de refroidissement de plus en plus menacées par le réchauffement climatique, gestion des déchets impossible à résoudre, nécessité absolue enfin de décentraliser et de démocratiser la production électrique et énergétique.

La Suisse fait partie des pays dans lesquels il est le plus simple de réaliser la transition énergétique. Entre le rôle de batterie géante de l’hydroélectricité, l’énorme potentiel du solaire, la grande marge de développement de la biomasse et l’apport non négligeable de l’éolien, la configuration énergétique de notre pays est idéale. Sans parler des moyens financiers importants à disposition de la Confédération, des cantons, des communes et des énergéticiens. La Suisse a par conséquent toutes les cartes en main pour être un pays pionnier réalisant un mix énergétique zéro fossiles et zéro nucléaire.

Ilias Panchard est président de Sortir du nucléaire et conseiller communal vert à Lausanne.

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