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4×4 et SUV, la pollution décomplexée

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Le taux de 4×4 et de SUV au sein du parc automobile d’un pays représente-t-il un bon barème pour évaluer la conscience environnementale et écologique de ses habitant·es? En Suisse, ainsi que dans d’autres pays européens, ce type de véhicule a le vent en poupe depuis plusieurs années, perçu comme un symbole de liberté, même si les routes, impeccablement entretenues, ne nécessitent pas à priori de tels engins pour partir à l’«aventure».

Leurs acheteurs et acheteuses savent pourtant parfaitement que le bilan en CO2 des sport utility vehicles (SUV), sorte de croisement entre un 4×4 et une berline avec la carrosserie d’un tout-terrain, est désastreux pour le climat et que ces engins polluent davantage que les voitures standard. Mais visiblement, cela ne les décourage guère, ce qui laisse planer un doute sur leur conscience écologique. D’après les calculs du WWF, le boom des SUV chez nos voisins français constitue désormais la deuxième source de croissance des émissions de gaz à effet de serre, derrière le secteur aérien.

Dans les mégalopoles africaines, ce type de véhicules est également très prisé, dans un contexte où le changement climatique et la protection de l’environnement ne figurent pas dans le top ten des préoccupations. Certes, les 4×4 restent utiles pour circuler sur les pistes à l’intérieur du pays, où les routes sont parfois en terre battue ou très dégradées, y compris dans certains quartiers des grandes villes. Reste que ces monstres d’acier contribuent à augmenter encore davantage la pollution de l’air dans des grandes villes embouteillées, saturées de particules fines. Et occupent également l’espace urbain. C’est ainsi qu’à Abidjan, devant le collège Jean-Mermoz, où sont scolarisés les enfants de cadres ivoirien·nes ou d’expatrié·es, les SUV et les 4×4 squattent allégrement les alentours de l’école, trottoirs compris, rendant impossible la vie des piéton·nes, obligé·es de zigzaguer entre ces gros véhicules à toute heure de la journée.

C’est à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), que j’ai pu voir la plus grande concentration de 4×4 et de SUV. Cela s’explique certes par l’état déplorable des routes, dans la capitale comme dans le reste du pays. Mais ces véhicules sont également un signe extérieur de richesse, que seules certaines catégories sociales peuvent s’offrir. Parmi elles, les proches du pouvoir en place, les hommes et les femmes d’affaires, ainsi que les représentant·es des organisations internationales et des ONG. Une frange de la population qui circule, climatisation à fond, dans des véhicules aussi polluants que les épaves automobiles dans lesquelles est contrainte de se déplacer l’écrasante majorité des quelque 17 millions d’habitant·es de la capitale congolaise.

Lors de la COP15 sur la désertification qui s’est tenue récemment à Abidjan, le bal incessant des limousines officielles, des 4×4 et des SUV dernier cri a donné une dimension un peu surréaliste aux négociations tenues dans un contexte d’urgence climatique. Une COP où des représentant·es de quelque 160 pays ont planché sur des solutions pour lutter contre la progression, sur tous les continents, de la sécheresse, de la désertification, de la dégradation des terres. Durant 15 jours, le ballet des avions et des gros véhicules climatisés fut incessant. Mais l’honneur est sauf: pour faire bon poids et amuser la galerie, 200 vélos électriques étaient à la disposition des participants et des participantes, destinés à promouvoir une mobilité verte et la création de pistes cyclables dans une ville qui suffoque.

Catherine Morand est journaliste.

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lundi 8 janvier 2018

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