A Montbrillant, le skatepark patine
C’est un petit lopin de terre en friche bien convoité. Quelque 5000 m2 qui ne payent pas de mine, coincés entre l’imposante poste de Montbrillant et la chaussée adjacente, à la hauteur du Cycle d’orientation. Clôturée, la parcelle accueille pour l’instant essentiellement des propriétaires de chiens, qui peuvent ici laisser s’ébattre leurs compagnons. Mais des jeunes du quartier aimeraient y voir pousser un espace pour les sports urbains.
Le projet, né d’un forum social Grottes-St-Gervais, au printemps 2019, a donné naissance à une association: Espace freestyle Montbrillant. Au printemps 2020, cette dernière a rassemblé quelque 500 signatures via une pétition. Elle a aussi obtenu une subvention de 18 000 francs investis dans un projet d’étude. Mais depuis, le dossier stagne sur le bureau du Conseil administratif de la Ville de Genève. «Nous avons l’impression que les sports urbains ne sont pas prioritaires et que nous ne sommes pas considérés comme un partenaire crédible», regrette Olivia Firmann, présidente de l’association dont la fille pratique le skate. Pour les jeunes, qui attendent depuis trois ans de voir ce projet éclore dans leur quartier, le temps se fait long.
Plans ambitieux
Les adolescent·es adeptes de skate, de trottinette ou de parkour – discipline qui consiste à franchir des obstacles de l’environnement urbain de manière acrobatique – ont pourtant une idée bien précise de ce que pourrait devenir cet espace. Avec l’aide d’une société spécialisée dans la conception et la construction de skatepark, et grâce à une subvention obtenue auprès du Département de la cohésion sociale et de la solidarité de la Ville de Genève, une première série de plans a vu le jour. Et ils sont ambitieux.
L’espace freestyle Montbrillant rêvé inclurait une quinzaine de structures. De skate surtout, avec des rampes, des marches, un pool, des curbs… De quoi se faire plaisir sur près de 1000m2. Le parkour se voit aussi offrir son propre park. Ce serait le seul à Genève, où la discipline n’a pour l’instant d’espace dédié qu’en salles de gymnastique. A Montbrillant, on envisage une structure à plusieurs niveaux où enchaîner appuis, sauts et roulades.
Si l’espace dévolu au sport devrait obligatoirement être bétonné, le projet prévoit de conserver les arbres existants et de garder une partie de l’espace verdoyant. Avec l’installation d’une buvette et, pourquoi pas, d’un potager, l’association souhaite faire de cette parcelle un lieu profitable à tout le quartier.
Conflits d’usages
C’est pourtant loin d’être fait. Le blocage s’explique notamment par des écueils légaux. «Du point de vue foncier, cette parcelle est en effet dévolue au domaine public communal – lequel n’admet en principe que des installations amovibles. Du point de vue de l’aménagement, ce terrain est attribué à la zone ferroviaire. Toute construction définitive nécessiterait donc de modifier ces deux régimes, ce qui implique dans les deux cas une procédure de niveau cantonal, tranchée par le Grand Conseil», décrit Marc Moulin, collaborateur personnel de la magistrate chargée de l’aménagement, Frédérique Perler. Une procédure longue et dont les chances d’aboutir sont d’autant plus faibles que se profilent à l’horizon 2026 les travaux de l’agrandissement souterrain de la gare Cornavin, avec son lot d’emprises de chantier.
Autre conflit d’usage: le skatepark impliquerait de déplacer le parc à chiens. Si une solution a été envisagée au parc des Cropettes, celle-ci «a suscité d’emblée des critiques, en partie fondées», selon le Département des finances, de l’environnement et du logement.
Installation provisoire
Une solution intermédiaire se profile néanmoins. Le Conseil administratif doit examiner prochainement une demande de crédit. Elle porte «sur une installation provisoire en raison des contraintes que le cadre légal actuel imposerait à un projet définitif», précise Marc Moulin. Si la demande aboutit, elle devra encore être avalisée par le Conseil municipal.
Une séance début juin entre l’association et les départements chargés du dossier devrait permettre de poser cartes sur table. La magistrate en charge de la Cohésion sociale, Christina Kitsos, réaffirme qu’«il est essentiel qu’une infrastructure de sports urbains soit rapidement mise à disposition sur la rive droite. D’une manière générale, les projets de sports urbains de proximité sont des leviers essentiels pour la cohésion sociale et, à ce titre, leur mise en œuvre doit être accélérée».
Pour les jeunes, le temps politique semble bien long. «Nous démarchons les autorités depuis trois ans pour ce projet, dont le budget s’élève à 1,5 million de francs. A côté de ça, on apprend qu’une nouvelle halle de tennis verra le jour dans les prochaines années pour quelque 13 millions», dénonce Olivia Firmann. La Ville planche bien sur une offre de skatepark pérenne et à couvert – ce que les sportifs et sportives demandent depuis longtemps. Prévu au Bout-du-Monde, il ne verra néanmoins pas le jour avant 2028, précise le Département de la sécurité et des sports.
D’ici là, il y a fort à parier que les sports urbains auront continué leur essor. Les cours d’initiation organisés le mercredi après-midi par Espace freestyle Montbrillant dans la cour de l’école des Cropettes rencontrent un franc succès. Les plus jeunes s’essaient à la glisse dès 4 ans. Une génération qui devrait bénéficier de la mobilisation de leurs aîné·es en faveur de plus d’installations.