Chroniques

Pour en finir avec Musk, Glencore et Cie

Un avenir à désirer

Elon Musk veut aller sur Mars avec SpaceX. Credit Suisse relance un énième investissement dans l’industrie fossile. Elon Musk, encore lui, lance une production mondiale de voitures électriques de luxe. Glencore ouvre une nouvelle mine de charbon en Colombie. Elon Musk, toujours lui, rachète Twitter pour y ajouter un bouton…

Tous ces évènements, marquants mais pourtant banals, ont pour point commun d’illustrer notre monde économique actuel: des institutions privées – fortunes, grandes banques, gestionnaires de fonds – décident. De beaucoup. Presque tout, en fait. Elles décident de la face que doit avoir notre économie – donc notre monde. On a beau nous dire que tout cela est vert, que Glencore est notre partenaire pour la durabilité, que Tesla révolutionne la mobilité douce (et qu’au pire si ça ne marche pas, plan B: on ira sur Mars), les indicateurs des limites écologiques planétaires continuent de s’affoler.

Alors qu’est-ce qui bloque? Ce qui grippe, derrière la reluisance de ces discours, c’est que l’écologie est toujours seconde, – reléguée après l’exigence de rentabilité de capitaux privés. Concrètement, quand un·e investisseur·euse place de l’argent, l’impératif premier est de s’assurer qu’il rapportera plus. Sinon, autant le garder. On n’investit pas à perte. Donc oui, une entreprise peut vouloir être verte mais, avant cela, elle doit être rentable. Sous cette logique, attendre des milliardaires et des banques qu’elles choisissent la nécessaire décroissance de la production (d’hydrocarbures par exemple) s’avère téméraire.

Il faut faire autrement. L’écologie doit passer numéro un. Ce ne sont plus les possédant·es qui doivent décider, mais les citoyennes et les citoyens, indépendamment des intérêts pécuniaires, et après délibération démocratique. Ce qui nous semble une évidence en politique serait une révolution si on l’appliquait au monde des affaires et de l’entreprise. A la place de la logique aveugle du pouvoir actionnarial, nous voulons une démocratie économique, une économie réellement démocratique.

Voilà pour les grands principes et l’horizon à tenir. Mais pour l’atteindre, il faut une réelle volonté de transformation sociétale, un désir de s’aventurer dans un autre monde. L’aventure est exaltante mais elle porte son lot de peurs, et ceci est compréhensible. Il est donc crucial de pouvoir se figurer – assez précisément pour avoir confiance, mais de manière assez ouverte pour ne pas se bloquer dans un avenir tout tracé – un monde basé sur une économie démocratique. Quelle forme atteignable et réaliste peut-elle prendre au XXIe siècle, en Suisse? Une forme qui doit pouvoir mettre en œuvre des choix collectifs contraignants – rendant possible le respect des objectifs écologiques et sociaux – en laissant des marges pour l’initiative individuelle et l’innovation. Une forme qui doit être capable de garantir une vie digne pour tous et toutes autant que l’efficacité économique.

Nous ne partons pas de rien. Plusieurs architectures alternatives ont déjà été expérimentées, ou sont sujettes à de nombreuses théorisations et débats. Une des formes possibles est celle de la propriété collective. Les coopératives, entreprises financées et dirigées par les travailleur·euses ou consommateur·trices mêmes, sont une remise en question de l’unique recherche de profit du capital. Bien que comportant des limites, l’autogestion constitue une voie alternative au capitalisme très dynamique.

La planification – précisée par divers qualificatifs: écologique, démocratique, décentralisée – est une autre forme récemment revenue dans le débat public. Elle souligne que la transition écologique demandera une restructuration massive de l’économie. Seule une action politique et démocratique, menée par l’Etat – et non le chaos des marchés libres –, aura la possibilité de la mettre en œuvre sans casse sociale.

Ces deux premières formes peuvent se combiner en une troisième pour imaginer un écosystème d’entreprises et de banques autogérées, chapeautées par une instance démocratique supérieure. S’ajoutant à ces nouvelles institutions, un revenu universel ou l’accès à un emploi garanti permettraient à chacun·e d’appréhender l’avenir avec sérénité.
Ces propositions, que nous verrons plus en détail au fil de nos prochaines chroniques, figurent une économie débarrassée d’injonction au profit à tout prix, où la finance reprend une place juste: elle est un outil pour atteindre des buts sociaux, choisis démocratiquement.

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Prochain rendez-vous me. 15 juin.

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mardi 19 avril 2022

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