Valoriser les métiers des soins et du «care»
Comme l’a souligné notamment la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury 1>Cynthia Fleury, Le soin est un humanisme, Gallimard, Paris, 2019., une société du soin est une société où les métiers du soin sont traités à leur juste valeur. Ces métiers, à ce jour majoritairement féminins, représentent toutes les professions de la proximité, qui tissent du lien et créent du capital social. Une société qui s’appuie sur le soin serait beaucoup moins basée sur la compétition. Le fait de prendre soin des autres, de la nature et des écosystèmes y aurait la priorité. Nos sociétés ont malheureusement non seulement dénaturé nos habitats, elles ont aussi rendu le travail du soin invisible. Une illustration de cela est la situation dans laquelle se trouve le secteur de la santé.
La pandémie de Covid-19 a mis en lumière le peu de considération accordée au personnel soignant. La pression énorme de la crise sanitaire, avec son lot de réaffections sectorielles, a mis en évidence les problèmes de stress, d’épuisement et de burn out préexistants. Car le personnel soignant réclamait depuis longtemps de meilleures conditions de travail, notamment l’application de la Loi sur le travail et la fin du minutage des soins.
Mal défendu·es par les médecins du travail, confronté·es à une sous-dotation chronique, les professionnel·les réclament que le secteur de la santé soit financé à la hauteur des besoins, comme tout service public, et non pas en fonction des exigences de rentabilité. Certes, les cliniques privées ont été d’accord de collaborer pour faire face aux vagues successives de la pandémie. Mais, globalement, elles se sont toujours désintéressées des spécialités qui rapportent peu (soins intensifs, urgences, pédiatrie).
Très exigeante, soumise à un taux de rotation très élevé, la carrière d’infirmier·ère a tendance à se raccourcir toujours davantage. La profession peine à susciter des vocations. L’adoption de l’initiative fédérale sur les soins infirmiers forts a suscité beaucoup d’espoirs. Cependant, les défis relatifs à la meilleure reconnaissance du métier d’infirmier·ère sont très nombreux.
La lutte des ASSC. La lutte menée par les Assistant·es en soins et santé communautaire (ASSC) est révélatrice du malaise des professionnel·les. En dépit de l’entrée en vigueur en 2017 d’une ordonnance fédérale, les cantons tardent à mettre en place les conditions pour exercer convenablement cette profession (hormis Fribourg et le Jura).
A Genève, une délégation des ASSC a été mise en place avec le Syndicat des services publics (SSP). Elle a dû mettre longtemps la pression sur les autorités pour faire reconnaître l’évolution du métier. La délégation a finalement convaincu l’OrTra santé-social [association professionnelle] de s’engager dans la création de modules de mise à niveau. Après une longue lutte, les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et l’Institution genevoise de maintien à domicile (IMAD) ont accepté le principe de former leurs ASSC.
En dépit d’un nouveau cahier des charges, l’Office du personnel de l’Etat n’a à ce jour pas pris en considération les demandes d’augmentation salariale. Les ASSC escomptent être payé·es en classe 12 de l’échelle des traitements de l’Etat (une assistante administrative est en classe 13 et une infirmière en classe 15), faute de quoi ils et elles pourraient se mobiliser.
Aux yeux de certain·es, la profession d’ASSC compte semble-t-il comme quantité négligeable. Contre l’avis du SSP et de la délégation d’ASSC, une remise en cause du droit de pratique a même été récemment évoquée par le Département de la santé. Combien de dossiers concernant les ASSC et les professionnel·les de la santé sont en ce moment entre les mains de l’Office cantonal de l’inspection des relations de travail (OCIRT)?
Les ASSC sont amené·es à délivrer des actes toujours plus complexes et confronté·es à des patients polymorbides non seulement dans les hôpitaux, mais aussi dans les EMS, les domiciles de personnes âgées et les foyers pour personnes handicapées. Une flexibilisation de la réglementation entraînerait une insécurité juridique, une perte d’autonomie et une baisse de l’attrait de cette profession indispensable.
Notes
Journaliste indépendant et député au Grand Conseil genevois, PS.