L’impact sanitaire de la crise écologique
Avec le retour du beau temps, des oiseaux qui chantent, de la neige qui fond et qui laisse sa place aux bourgeons, il est difficile d’entendre les cris d’alerte des mouvements écologiques. Et pourtant, il serait maintenant nécessaire et urgent d’établir un lien entre nos modes de consommation et l’acidité des sols, de l’air, de l’eau. Ce qu’on touche, respire et avale. En effet, notre goût effréné d’une certaine conception du bonheur entretient en nous un voile d’illusion.
Qu’est-ce que ce voile d’illusion? Il touche à l’image de soi et à l’image que l’on veut transmettre à l’autre. Ces deux images que certains distinguent sont pourtant bel et bien unies. Il s’agit de notre besoin de reconnaissance, de notre besoin d’être aimé. Malgré son abstraction apparente, ce besoin s’inscrit dans un système de valeurs issu des principes économiques. Or, aujourd’hui, qu’est-ce qui a de la valeur dans ce système?
La possession d’argent et toute la représentation qui tourne autour du pouvoir d’achat. Ensemble, elles constituent – si l’on veut bien être honnête – les fondements convenus de ce que signifie une vie réussie. A partir de là, nous sommes enclins à nous adapter à un système qui nous incite à la compétitivité, au paraître et au consumérisme. Dès lors, le voile d’illusion dont il est question ici est le fruit d’un conditionnement social qui relie nos représentations de ce qu’est une vie réussie avec l’idéal économique de la société de consommation. Plus précisément, le caractère illusoire de ce voile vient du fait que nous ne sommes pas conscients d’avoir été happés par une logique fantasmagorique et toxique qui nous emprisonne.
Lorsque l’on consomme comme on le fait depuis longtemps, cela génère énormément de déchets qui s’accumulent et ont un impact sur les cycles naturels. Il me paraît essentiel de comprendre et de ressentir les liens intimes qui existent entre toutes choses. Mon but ici est de montrer que ces liens sont facilement effacés par notre quotidien qui nous centre à l’excès sur nos individualités. A cela vient s’ajouter la focalisation, depuis deux ans, sur la crise du Covid. L’un et l’autre nous font perdre de vue l’importance de l’impact écologique direct sur nos vies. Je pense ici principalement aux maladies de civilisation comme le cancer (près de 10 millions de morts par an dans le monde) et les maladies chroniques. Outre la conséquence évidente des déchets sur la santé, il faut aussi tenir compte des effets dévastateurs de l’usage des pesticides, de l’élevage intensif (qui débouche régulièrement sur des épizooties), de la pollution chimique, de l’usage des plastiques et des produits poison dans la vie quotidienne, de la malbouffe (excès de sucre et de sel dans les plats cuisinés), des effets des radiations nucléaires…
Au départ, tout est parti d’une certaine idée du progrès. Malheureusement, ce dernier n’a pas été suivi par une évolution des consciences et de l’éthique qui en découle. Plus précisément, ce progrès a été perverti d’emblée par des considérations principalement économiques. Tellement économiques que nous nous sommes retrouvés face à un système qui a tout à gagner à rendre les gens malades puis à tenter de les guérir, afin d’engendrer des profits colossaux. Il est difficile de ne pas songer au pompier pyromane!
C’est face à ce douloureux constat d’aliénation de l’homme et de la nature que la simple question se pose: que fait-on? Au lieu d’essayer de changer le comportement des adultes, ne faudrait-il pas tenter de réformer l’éducation des enfants? Il est difficile de remonter le courant de la rivière. En revanche, nous faisons le pari qu’il faut guider le cours d’eau en partant de la source pour transmettre les valeurs d’une société plus juste et plus respectueuse de la nature.
Luca V. Bagiella est cofondateur et coordinateur de consciences-citoYennes, réseau en faveur d’une insurrection des consciences et d’une transition citoyenne, doctorant en sciences sociales et en philosophie à l’université de Lausanne.