Une question de dignité
De tout temps et en tout lieu, le colonialisme se caractérise entre autres par un point aveugle: l’incapacité de comprendre l’importance de la dignité pour les peuples assujettis. Celle-ci est parfois camouflée sous une fausse servilité mais, tôt ou tard, elle émerge, souvent par des actes de violence collective ou individuelle. Même dans l’enfer des camps nazis et leur politique planifiée de déshumanisation des victimes, nombreux ont été les exemples où la dignité a vaincu la barbarie, souvent au prix de la vie de celles et ceux qui se révoltaient.
Les Palestiniens et les Palestiniennes nous donnent tous les jours des leçons de dignité, que ce soit par des actions armées, des manifestations qu’ils voudraient pacifiques, ou par la résilience quotidienne dont ils sont indiscutablement les champions du monde.
Depuis quelques mois, la résistance palestinienne s’est caractérisée par une série d’attentats individuels au cœur des villes israéliennes, notamment à Tel Aviv et sa banlieue. Ces attentats sont la réponse de jeunes garçons et filles à l’absence totale de perspective politique négociée, ouvertement assumée par le gouvernement israélien. La direction palestinienne ne peut plus convaincre personne qu’un processus négocié sera imposé à Israël par la communauté internationale, pas plus que par les Etats arabes en plein processus de normalisation avec l’Etat hébreu.
Les dirigeants politiques et militaires, surpris par ces actes de résistance, se précipitent devant les micros pour se vanter des dizaines d’attentats déjoués par les forces de sécurité au cours de ces derniers mois: le Premier ministre Naftali Bennett donne le chiffre de quinze, le chef d’état-major Aviv Kokhavi en mentionne «dix, au moins».
Ce qu’ils ne disent évidemment pas, c’est que chaque opération de ce genre engendre dix nouveaux attentats: les jeunes qui voient leurs pères humiliés au cours d’une rafle, qui subissent les invasions nocturnes de leurs habitations, qui sont témoins du comportement brutal des soldats aux barrages militaires omniprésents ont besoin de réagir. Et ce, par tous les moyens à leur disposition. C’est d’abord et avant tout une question de dignité.
Et c’est cela que les Bennett et autres Kokhavi sont totalement incapables de comprendre – leur point aveugle.
Michel Warschawski est militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).