On nous écrit

Respect du passé

Shirin Hatam se montre critique face à un des choix de la Ville de Genève pour féminiser les noms de rue.
Féminisation des noms

Remplacer le nom d’un inconnu par celui d’une inconnue permet de mettre un peu de féminin sur les murs, ce qui est tout bénéfice. Effacer un mot qui rappelle l’histoire du lieu (le mail, la prairie, la forêt) pour y apposer celui d’une personne, c’est se couper délibérément du passé vécu par les gens du coin (qui jouaient au mail, élevaient leurs bêtes dans des fermes, rêvaient et folâtraient dans la verdure) pour honorer un·e inconnu·e d’une classe supérieure réservant généralement l’usage de ses doigts fins et délicats aux œuvres de l’esprit.

J’apprends par Le Courrier du 11 mars que le boulevard de la Cluse prendra bientôt le patronyme d’une obscure femme de lettres du XVIIe siècle appartenant à l’élite genevoise (et je mets ma main au feu que personne parmi nos représentant·es n’a lu une seule de ses lignes) reléguant dans l’oubli la recluse médiévale qui inspirait son nom au ­boulevard.

La Ville, qui remplace une modeste femme du peuple vivant durement de sa charge, par une dame à particule d’héritière et voyageuse, entend être applaudie pour cet élégant exploit. Que nenni!

J’invite bien plutôt nos édiles, ignorant·es de l’histoire genevoise, à visiter le musée du Vieux Plainpalais où une fresque leur désignera le lieu approximatif où priait la recluse du temps où le faubourg était catholique et que les moines y péchaient. Qui sait si cela leur inspirera le respect du passé et de ses petites gens anonymes…

Shirin Hatam,
Genève

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