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Deux poids, deux mesures?

Chloé Ofudu, de l’EPER, regrette que le «permis S» facilitant l’accueil des réfugié·es ukrainien·nes ne s’applique pas aux requérant·es d’asile issus d’autres pays en guerre, comme l’Afghanistan ou la Syrie.
Asile

Aujourd’hui il y a la guerre. Elle n’est pas très loin de chez nous. Il y a un envahisseur et des femmes, des hommes, des enfants qui fuient. En quelques jours, l’Europe, puis la Suisse, se positionnent en faveur d’un accueil coordonnée et surtout rapide et facilité des personnes fuyant la guerre en Ukraine. Pas de visa, des frontières qui s’ouvrent pour elles. Pour la Suisse, c’est le «permis S», jamais octroyé avant, qui permettra aux personnes ukrainiennes de recevoir très rapidement un permis qui les autorisera à travailler et à faire venir leur famille proche, sans condition ni grande formalité. Dans cinq ans, si le conflit perdure, ces personnes auront un permis B. Du point de vue de la défenseuse des personnes exilées que je suis, c’est parfait.

Pourtant, ce bel élan de solidarité me laisse aussi un vide. J’ai en tête toutes les personnes qui ont fui et fuient l’Afghanistan ou la Syrie par exemple. Pas de régime de faveur pour elles. Très peu de possibilité de venir en Europe par des voies sûres. Beaucoup de violence et de morts sur le trajet de l’exil. Il faut une procédure d’asile plus ou moins longue et complexe et souvent, au bout, une simple admission provisoire. L’admission provisoire ne permet pas le regroupement familial avant trois ans et il faut être autonome financièrement. Pas de délivrance d’un permis B automatique après cinq ans non plus. Je vois, semaine après semaine, ces hommes et ces femmes qui dorment difficilement, ne mangent plus beaucoup et n’arrivent plus à se concentrer, tellement ils sont rongés par la peur de ce qui pourraient arriver à leur famille proche, restée au pays ou vivant cachée dans un pays limitrophe avec le risque quotidien d’un renvoi dans leur pays d’origine.

Ce qui est sûr, c’est qu’en deux semaines, la Suisse a démontré qu’il était possible de très vite mettre sur pied une capacité d’accueil très importante et qu’il est donc parfaitement possible d’accueillir dignement plus de femmes, d’hommes et d’enfants qui fuient des conflits armés qu’elle ne l’a fait ces dernières années. La Suisse devrait surtout permettre aux familles séparées par la guerre de pouvoir vivre ensemble rapidement et sans condition, quel que soit le statut reçu en Suisse.

Chloé Ofudi est responsable du Service juridique aux exilé·es de l’Entraide protestante suisse (EPER).

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