Chiffres noirs, noirs desseins
Deux entreprises, l’une privée – TX Group, un des principaux éditeurs de Suisse – l’autre en mains publiques – La Poste – ont publié ce jeudi leurs comptes de l’exercice écoulé. Dans les deux cas, malgré la pandémie, les bénéfices sont croquignolets: 457 millions de francs pour le géant jaune et 832 millions pour l’éditeur de la Tribune de Genève, du 24 Heures ou du Tagesanzeiger.
Dans le cas de TX Group, cet argent sera rendu aux actionnaires. Explication. Lors de l’exercice précédent, au vu des aides publiques – notamment le chômage partiel –, il avait dû renoncer pour des raisons légales à verser des dividendes. Cette année, la mise est simplement plus que doublée: au dividende ordinaire de 3,2 francs par action s’ajoutera un dividende extraordinaire de 4,2 francs. Simple, basique.
Les syndicats de la profession exigent qu’une partie de cet argent soit rendue au personnel. Gageons que l’assemblée générale des actionnaires ne va pas s’encombrer de bons sentiments. Les fusions et réductions de charges sont là pour gaver les propriétaires.
Un raisonnement similaire peut être tenu avec La Poste. Malgré les résultats dans le noir, le prix du portage des journaux va pourtant augmenter. Et les aides prévues pour compenser ces charges, telles que prévues dans la loi sur l’aide aux médias refusée par le peuple, ne seront pas au rendez-vous. Les petits titres vont continuer de tirer la langue, avec le risque de nouvelles baisses au niveau des prestations, la distribution intervenant de manière de plus en plus tardive.
Le rouleau compresseur est en route. Les collectivités publiques cantonales et communales, à qui il va être demandé de pallier l’absence de politique fédérale, feraient bien de s’en rappeler. Souvent, l’argent va à l’argent. L’automne passé, lors du reconfinement, les titres de TX Groupe ont eu droit au chômage partiel; ce dernier a été refusé au Courrier. Qui a recouru… et gagné; mais bien trop tard pour pouvoir revendiquer quoi que ce soit.
Cette hypocrisie et ce chantage au nom de l’emploi doivent cesser. La droite économique a emporté le morceau en usant de démagogie et en dénonçant les «cadeaux aux millionnaires». Prenons-là au mot et remettons sur le métier un ouvrage qui aide celles et ceux qui en ont vraiment besoin et qui ne détournent pas cet argent pour affourager des actionnaires qui scient année après année la branche sur laquelle ils sont assis. Avant de coloniser un autre domaine à piller, une fois celui des médias saccagé.