Édito

Expliquer n’est pas approuver

Expliquer n’est pas approuver
Ukrainiens fuyant vers la Pologne, mardi 1er mars. KEYSTONE
Ukraine

Qui dit guerre dit propagande. L’invasion de l’Ukraine par la Russie doit nous pousser à une vigilance accrue: attention, bourrage de crânes en vue. Le bruit des bottes s’accompagne généralement de son lot de manipulations médiatiques. Cela fut le cas lors des deux guerres du Golfe. Rappelons-nous la moustache rabotée sur la Une de Time Magazine pour faire ressembler Saddam Hussein à Adolf Hitler ou les prétendues armes de destruction massive. Sans oublier la guerre en ex-Yougoslavie avec son plan dit «fer à cheval», une construction de la propagande de l’Otan pour justifier auprès du grand public le principe d’une intervention armée.

En Ukraine, cette logique binaire – vous êtes avec nous ou avec les terroristes, disait déjà Bush junior – risque à nouveau de jouer à fond.

Non pas qu’il n’y ait pas un agresseur – la Russie – et un agressé – la République ukrainienne –, mais bien parce qu’au nom de l’union sacrée contre l’ennemi, on bloque la possibilité de faire appel au principe de réalité.

On les entend déjà, les va-t-en-guerre de pacotille sur les plateaux télé plaider la surenchère contre les Huns russes. C’est à qui tient le discours le plus musclé. Les Jean-Luc Mélenchon et Dominique de Villepin qui appellent à raison garder semblent un peu isolés dans ce douteux concert. Gageons qu’ils ne tarderont pas à être traités de Munichois.

On doit s’inquiéter de voir la tradition non-violente et le maintien de la paix céder le pas au vote, fleur au fusil, de crédits militaires renforcés.

Les Verts allemands, solubles dans la nouvelle coalition gouvernementale, semblent avoir abandonné leurs fondamentaux (on verra ce que leur base en pense); en Suisse, certaines voix du PS se rallient au consensus militaire… Le pacifisme, c’est pour le régime de beau temps?

Un peu désolant. Car discuter il faudra. Un conflit ouvert, bloc contre bloc, peut tout simplement signifier la fin de l’humanité, au vu de l’arsenal nucléaire des pays en présence. Se mettre à la place de l’ennemi pour mieux le comprendre ne revient pas à approuver son comportement criminel. Que la Russie n’ait guère goûté les velléités de l’Ukraine d’entrer dans l’Otan est une clef d’explication. Qu’elle se retrouve avec des missiles à quelques encablure de sa capitale, en Pologne et en Roumanie, peut rendre nerveux. Les Etats-Unis avaient failli déclencher un conflit majeur il y a soixante ans lors de la crise des missiles de Cuba. Au nom de quoi Poutine devrait-il être plus ouvert que Kennedy?

Jusqu’à ce que le président russe franchisse le Rubicon et se transforme en criminel de guerre, le caractère totalitaire de son régime semblait acceptable. L’idée de faire de l’Ukraine une zone tampon démilitarisée n’a pas été mise en œuvre. Et l’on pouvait faire affaires avec le maître du Kremlin et ses oligarques. Les voix critiques et celles qui plaidaient pour une défense des droits humains, des libertés et pour un désarmement mutuel étaient inaudibles.

Est-on plus avancé aujourd’hui?

Opinions Édito Philippe Bach Ukraine

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