On nous écrit

Un doute

A la suite de la publication le 28 janvier de l’article «L’Inquisition à la sauce protestante», de Protestinfo, l’un de nos lecteurs s’est interrogé sur deux cas en particulier.
Religion

Je voudrais me référer ici à l’article «L’Inquisition à la sauce protestante» paru le vendredi 28 janvier dans votre journal, qui est le mien!

Dans le troisième paraphe, à l’entête «C’est-à-dire», M. Christian Grosse écrit: «Le Consistoire ne fait pas usage de la torture, de l’emprisonnement, ni de la peine de mort…».
J’ignore les subtilités de l’analyse de M. Grosse qui lui permettent d’émettre une affirmation si catégorique. Et je serais très intéressé à en connaître les raisons.

Il y a cependant deux cas majeurs qui à mon avis introduisent un doute:

– l’un d’eux est celui de Michel Servet, emprisonné, torturé et brûlé vif à Genève en 1553. Personnage respecté encore aujourd’hui à Genève pour ses recherches médicales (circulation sanguine pulmonaire) et autres, et dont un petit groupe hétéroclite célèbre l’anniversaire de sa mort en se réunissant autour de son effigie, à côté de l’hôpital de Genève (HUG);

– l’autre concerne Jacques Grüet, libre-penseur et poète, emprisonné, «longuement» torturé et décapité en 1547 à Genève.

Ces deux cas sont répertoriés dans les actes des respectifs procès devant des tribunaux. Or, s’agit-il des tribunaux ecclésiastiques… ou d’autres instances? Ce qui permettrait à M. Grosse d’affirmer ce qui précède.

Luis Marin,
Genève

Réponse de Christian Grosse

Le procès de Servet – et dans une moindre mesure celui de Gruet – a fait beaucoup dans la formation de la «légende noire» de Calvin et il est certain que ce dernier y a joué un rôle, en particulier en fournissant des documents qui ont permis l’incrimination du médecin. Mais ce procès –­ comme celui de Jacques Gruet d’ailleurs – s’est entièrement déroulé devant la justice criminelle et, dans le cas de Servet, c’est le crime de sédition qui a permis au final la condamnation à mort, un crime qui échappait complètement à la compétence du Consistoire. Il est symptomatique que les noms de Gruet et de Servet n’apparaissent tout simplement pas dans les registres consistoriaux au moment de leur procès. Gruet apparaît bien dans les registres consistoriaux, mais c’est avant le procès qui a abouti à une condamnation à mort: il est notamment mêlé à d’autres Genevois accusés d’avoir dansé. Cela signifie que le Consistoire n’a même pas participé à l’instruction des procès de Gruet et de Servet, alors que dans d’autres cas, par exemple d’hérésie, l’enquête initiale pouvait être menée par le Consistoire et, si la personne incriminée montrait de l’obstination dans son opinion contraire à la doctrine de Genève – l’obstination dans l’erreur étant constitutive du crime d’hérésie –, l’affaire était renvoyée devant les magistrats qui pouvaient prendre des mesures pénales: le plus souvent le bannissement, mais exceptionnellement aussi la peine de mort.

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