Une faillite d’État
Les nuages se sont amoncelés au dessus du Département genevois de l’instruction publique (DIP) sous l’ère Anne Emery-Torracinta. Il y a eu le harcèlement sexuel en milieu scolaire dans la lignée de l’affaire Ramadan, les mineurs non accompagnés abandonnés dans des conditions de vie indignes, et désormais le scandale du foyer de Mancy.
Comment des enfants atteints d’autisme sévère et de graves déficiences ont-ils pu être violentés physiquement et psychologiquement? Pourquoi, alors que les premières alertes datent du printemps 2019, la spirale infernale a-t-elle perduré jusqu’au printemps 2021 au moins? Malgré les excuses de la magistrate socialiste et la reconnaissance de la faillite de l’Etat, domine un sentiment de sauve-qui-peut général. La multiplication des enquêtes – judiciaire, politique et administrative – pourrait permettre d’y voir plus clair ou, au contraire, diluer les responsabilités.
Dès mars 2021 au moins, en ce qui concerne la conseillère d’Etat, mais bien avant s’agissant du secrétariat général, et donc de la numéro deux du département, tous les voyants sont au rouge. Or au lieu de saisir la justice, de suspendre le personnel soupçonné, de lancer des procédures administratives, le DIP choisit d’auditer l’organisation RH du foyer, avec pour conséquence le débarquement de sa directrice, pourtant arrivée bien après le début des maltraitances. Quant au Ministère public, saisi d’une dénonciation en avril dernier à la suite de l’intoxication médicamenteuse d’une jeune autiste, il attend début février pour procéder à une perquisition et des interpellations.
Ce fiasco jette également une lumière crue sur les moyens de l’Office médico-pédagogique, en charge des foyers: bâtiments inadaptés, manque de contrôles, de formation, etc. alors même que les besoins augmentent. Quelle part les conditions structurelles et institutionnelles ont-elles joué dans cette débâcle? Le personnel soupçonné de maltraitances s’est lui-même dit maltraité, soutenu en ce sens par les syndicats. Reste que rien ne saurait excuser le fait de priver des enfants de nourriture, de les laisser dans leurs couches souillées, s’automutiler ou encore se cogner la tête contre les murs.
Cette affaire est-elle un cas unique ou l’arbre qui cache la forêt? Une députée verte a pertinemment proposé l’ouverture d’une ligne téléphonique permettant de libérer la parole. Assurer la sécurité des enfants, rassurer les parents, mais aussi le personnel, devrait être une priorité. Qu’attend encore le DIP?