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Nous sommes tous des mutants!

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Les êtres humains sont en pleine mutation. Sur tous les continents, des tendances lourdes en matière de chirurgie esthétique, de blanchiment de la peau, d’opérations multiples et variées sur différentes parties du corps, démontrent que l’homme et (surtout) la femme n’auront à l’avenir plus grand chose à voir avec l’apparence de leurs ancêtres. Et le confinement dû au Covid n’y aura rien changé – pour le cas où on aurait pu imaginer un retour à l’essentiel –, bien au contraire! Est-ce l’«effet zoom», du nom de cette plateforme de visioconférence, qui a donné envie aux gens de changer d’aspect?

Reste que dans de nombreux pays, depuis la fin du confinement, les cliniques de chirurgie esthétique ont connu un boom spectaculaire de demandes pour des «remodelages corporels». En clair: des liposuccions, des abdominoplasties, des augmentations mammaires, des lipofillings des fesses et des seins, et autres joyeusetés hardcore, qui feraient presque passer les films de science-fiction pour des contes pour enfants.

Mais le hit absolu en cette période de «retour à la normale», en Amérique latine comme en Europe et aux Etats-Unis, c’est l’augmentation du volume des fesses, également appelé le «lifting brésilien». C’est-à-dire (âmes sensibles s’abstenir)? Les excès de graisses retirés de différentes parties du corps (ventre, bas du dos, etc.) par liposuccion sont «traités» pour être ensuite injectés dans la zone des fesses.

Sur le continent africain, c’est plutôt la couleur de la peau qui subit des outrages. Certes, le blanchiment de la peau n’est pas un phénomène nouveau. Mais ce qui l’est en revanche, ce sont les nouveaux produits mis sur un marché plus florissant que jamais, et qui font froid dans le dos.

Alors qu’auparavant, on utilisait surtout des pommades blanchissantes contenant de l’hydroquinone ou des stéroïdes, la nouvelle génération est passée à un stade supérieur en recourant à des injections intraveineuses de glutathion, un antioxydant naturel produit par le foie, qui blanchit la peau.

En filigrane de cette course effrénée pour se blanchir la peau – également à l’œuvre en Inde et dans d’autres pays d’Asie –, une conviction: les femmes au teint clair ont davantage de chances de trouver un mari, d’obtenir un job intéressant et donc un statut social privilégié. Des seins proéminents et des fesses bien galbées donnent-elles droit à des avantages similaires? C’est bien ­possible.

Fortes de ces convictions, des familles pauvres en Amérique latine encouragent ainsi leurs filles à se faire opérer pour augmenter leur tour de poitrine, dans l’espoir de séduire un homme riche qui sortira la famille de la misère. Au Nigeria, où près de 80% des femmes se blanchissent la peau, des mères décolorent leur bébé dès la naissance, pour leur donner de meilleures chances dans la vie.

Et sous toutes les latitudes, les aspirations des un·es et des autres à améliorer leur «enveloppe corporelle» est boostée par les réseaux sociaux, où chacun·e se mire et se donne à voir. Impossible de nier en effet que les influenceurs et les influenceuses, la téléréalité, Kim Kardashian en tête, y sont pour quelque chose dans cet engouement pour les grosses fesses, les seins refaits, les lèvres de mérou. Idem sur le continent africain, où des stars blanchies, au teint transparent, aux perruques de longs cheveux lisses, donnent le ton.

Les mises en garde du corps médical, qui s’époumone pour démontrer le danger de telles pratiques, semble pour l’instant résonner dans le vide. Des mouvements tels #Melaninpoppin, c’est à dire, «la mélanine, c’est tendance», qui valorisent la peau noire, semblent davantage suivis dans les pays occidentaux que sur le continent africain. Quant aux opérations de chirurgie esthétique – qui passent y compris par les pays de l’Est, du Maghreb ou la Turquie pour les petits budgets –, on attend encore le mouvement qui valorisera les femmes plates, aux lèvres minces, qui renoncent pour l’instant à ressembler à des poupées gonflables.

Catherine Morand est journaliste.

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lundi 8 janvier 2018

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