Assange dans l’angle mort de la démocratie
Un sursis pour Julian Assange. Le fondateur de WikiLeaks a obtenu lundi le droit de contester devant la Cour suprême du Royaume-Uni la décision de la justice autorisant son extradition vers les Etats-Unis. L’Australien risque jusqu’à cent septante-cinq ans de prison pour avoir divulgué quelque 700 000 documents sur la sale guerre que les Etats-Unis mènent au Proche et au Moyen-Orient.
Le succès des avocat·es du journaliste n’est que très partiel et ne porte que sur un unique point: les garanties apportées par les Etats-Unis quant au respect de normes minimales en matière de droits humains. Washington a promis que Julian Assange ne serait pas enterré vivant dans la prison de haute sécurité ADX de Florence au Colorado, là où croupissent les terroristes d’Al-Qaida. Et qu’il aurait accès à des soins. Avec une éventuelle possibilité qu’il puisse purger sa peine en Australie.
De quoi nourrir bien des soucis: ce type de promesses sont faites pour ne pas être tenues. Ces garanties avaient pourtant dans un premier temps convaincu la justice britannique. Celle-ci devra donc de nouveau se prononcer.
Une confirmation de l’expulsion vers les Etats-Unis serait un signal calamiteux en termes de respect des normes du droit fondamental et particulièrement de la liberté de la presse. Au-delà du cas de M. Assange, c’est bien du droit d’informer qu’il est question. Les informations qu’il avait fait fuiter ont été reprises par l’entier des médias. Elles étaient d’intérêt public, notamment le fait que quelque 150 innocents ont été détenus des années dans les geôles de Guantanamo, que 110 000 Irakien·nes – en majorité des civil·es – ont été tué·es à la suite de la seconde guerre du Golf ou encore le fait que les téléphones de plusieurs chef·fes d’Etat ont été écoutés par les services secrets étasuniens.
En cela, on peut déplorer que l’activiste ne soit pas davantage soutenu. Ne serait-ce que par un intérêt personnel bien compris. S’il est extradé – déporté serait sans doute un mot plus adéquat –, les journaux qui ont publié les informations qu’il a diffusées peuvent nourrir quelque souci: seront-ils les prochains sur la liste de l’Oncle Sam? Dans tous les cas, ils y réfléchiront à deux fois avant de diffuser des articles sur ces révélations explosives.
C’est bien la liberté de la presse qui est menacée par l’acharnement contre M. Assange. Le défendre, c’est défendre des principes du droit supérieur. C’est œuvrer pour la démocratie. Un rappel ferme de ces valeurs serait certainement utile pour remettre en mémoire de la justice britannique les fondamentaux de l’Etat de droit.