Surveillance totale
Le smartphone n’est pas le seul engin à espionner nos vies à des fins commerciales et sécuritaires. Le compteur communicant, qui enregistrera bientôt les signatures de notre consommation électrique, sera presque aussi intrusif. Le 30 décembre, Le Courrier nous a informé de l’avènement prochain de l’électricité intelligente; le chercheur, consulté à cette fin, y annonce: «nous essayons de prévoir le comportement des gens» (sans chercher à les espionner).
Pourtant le compteur permet de savoir à quelle heure vous vous levez, quand votre domicile est effectivement occupé, si vous êtes seul·e à l’occuper, et bien d’autres informations inscrites dans les courbes de charge de votre consommation électrique analysée au peigne fin par des intelligences artificielles. Ce n’est pas grave pour les personnes «qui n’ont rien à se reprocher»; mais les personnes au chômage, en maladie, les invalides et plus généralement toutes celles qui ont une vie précaire et difficile pourront être facilement surveillées.
Si la production et la distribution de l’électricité demeuraient dans des mains publiques, soucieuses de la vie privée, le compteur communicant pourrait effectivement «mieux coordonner production et consom-mation d’énergie propre». Mais avec la libéralisation du marché de l’électricité, des bourses se sont ouvertes où, à l’instar des prix du blé ou du pétrole, le prix de l’énergie est fixé au travers de spéculations, et les acteurs économiques qui disposent des données les plus complètes feront les bénéfices les plus juteux.
Pour éviter la dissémination de données sensibles, l’article se termine sur la proposition d’analyser directement sur les compteurs les données techniques, sans avoir à les enregistrer ou les envoyer ailleurs. Or il s’avère que le 9 juin 2021, j’avais posé par écrit à La Romande Énergie la question suivante: «Peut- on obtenir que ces données soient tout simplement effacées dès que produites, ne laissant aucune trace dans aucune mémoire ou aucun fichier?» Le 20 juillet, la réponse m’est parvenue dans une lettre, par ailleurs fort aimable: «Il n’est pas possible pour les clients de demander que les données soient détruites, elles sont stockées dans les systèmes sécurisés de Romande Énergie.» Comment croire et faire croire alors que les aspects commerciaux du projet et en particulier la vente de données pourraient être abandonnés au profit du respect de la vie privée!
Libero Zuppiroli,
Bonvillars (VD)