Édito

Mortes d’être femmes

Mortes d’être femmes
Manifestation à Genève jeudi 28 octobre 2021 en réaction au 25e féminicide de Suisse, perpétré à Vandoeuvres. JPDS
Violence faite aux femmes

«En Suisse, toutes les deux semaines, une femme est tuée par son mari, son partenaire, son ex-partenaire, son frère ou son fils, parfois par un inconnu.» C’est cette réalité multiforme que recouvre le mot «féminicide», un terme qui englobe tous les meurtres de femmes tuées parce qu’elles sont femmes. Alors qu’il émerge enfin dans le débat public, ce vocable n’a encore ni reconnaissance politique – le Conseil des Etats balayait encore cette question en septembre 2020 – ni existence juridique. Au contraire du si détestable «meurtre passionnel», qui entretient l’insupportable oxymore «tuer par amour».

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Un premier rapport fédéral destiné à la prévention et à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et les violences domestiques est paru en juin dernier. Ses statistiques – qui retracent les années 2018 à 2020 – témoignent de la prépondérance des victimes féminines dans l’ensemble des homicides et tentatives d’homicides recensés dans la sphère domestique. Ce n’est guère une surprise, mais amener des chiffres sur une réalité diffuse est une nécessité maintes fois répétée par les collectifs féministes.

Pour l’année en cours, à défaut de statistiques officielles, le site Stop Femizid assume la lourde tâche de consigner au fur et à mesure, sur la base des cas recensés par les journaux et les rapports de police, le nombre de féminicides en Suisse. Il s’élève à 25 en cette fin octobre – dont deux victimes suisses tuées à l’étranger – et s’accompagne d’un chiffre qui veut tout et rien dire: onze femmes ont réchappé en 2021 à une tentative de féminicide. Onze femmes qui ont raconté leur histoire ou porté plainte, pour que la voix des survivantes existent. Mais un chiffre qui ne dit rien de toutes celles qui, par peur ou par honte, se taisent, cloîtrant dans l’intimité le souvenir traumatique d’une violence destinée à les tuer. A toutes celles-ci, pour qui il n’est pas encore trop tard, il faut offrir un échappatoire. Instaurer des mesures d’éloignement efficaces en cas d’alerte, mais aussi former les professionnel·les dans les postes de police, les écoles, les services sociaux, pour qu’ils et elles soient des yeux et des oreilles attentives. Car les féminicides ne sont pas les crimes isolés d’une passion devenue fureur. Ils sont l’aboutissement d’une violence systémique et répétée que le silence et l’inaction empêchent de désamorcer.

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