Yverdon «reprend la rue»
«S’ils continuent comme ça à réduire la forêt à néant, que restera-t-il de la Terre pour nos enfants?» chantent en chœur les participant·es à la manifestation «Reprenons la Ville! Yverdon Ville Vivante», soutenue par la chorale anarchiste locale. Le défilé est organisé par différentes organisations et personnes d’Yverdon à la suite de l’appel publié sur le site Reprenons La Ville: près de 200 personnes se sont réunies samedi après-midi sur la place Pestalozzi pour dénoncer la politique urbaine actuelle. Elles ont marché pacifiquement au centre-ville avant de rejoindre le quartier de Clendy-Dessous, dont d’autres militant·es occupent une rue et une parcelle depuis ce week-end.
«Royaume de l’asphalte»
Une ville qui renforce les inégalités, qui encourage à la consommation et qui réduit le corps féminin à une marchandise. Pour les manifestant·es, l’actuel développement urbain ne tient pas compte des défis sociaux et climatiques. «Nous voulons une ville participative, construite par toutes et tous. Une ville sociale avec des logements abordables. Une ville libérée de l’emprise capitaliste», résume Pénélope au nom de la Grève féministe, à l’occasion d’une prise de parole près de la gare. Elle dénonce: «La majorité des architectes sont blancs, cisgenre et bourgeois. Il faut que ça change.» La militante, qui dit rêver d’un «espace plus créatif et plus riche», est longuement applaudie par la foule.
«C’est bien joli de construire, mais la priorité, c’est de nourrir les gens. Aujourd’hui, la Suisse compte trop sur les importations», dénonce de son côté Berthe Darras, secrétaire syndicale à Uniterre, qui dénonce «le royaume l’asphalte». La densification et l’extension des villes signifie destruction de terres arables. «On veut moins de béton, on veut plus de potirons», scande le cortège. «Plutôt un verger qu’une cour du Collège des Rives asphaltée», proclamait de son côté l’appel à manifester.
Occupation
Dans le cortège, on dénonce plus généralement l’utilisation abusive de béton. «On en utilise trop. Gravier, crépi… des alternatives existent même si elles sont plus chères», juge Catherine, architecte de formation.
A l’issue du rassemblement, on converge vers le quartier de Clendy-Dessous, voué à la destruction. L’endroit est occupé depuis ce week-end par des militants et des militantes opposées au projet immobilier prévu sur cette zone. Est prévue, notamment, la bétonnisation de 1,2 hectare et la construction d’une dizaine d’immeubles.
Les occupant·es ont aménagé une cuisine et un jardin collectif. Au programme du week-end: ateliers et concerts; des tentes sont plantées pour la nuit. Présente le long du cortège, la police est également là. «Les agents sont passés plusieurs fois pour effectuer des constats. Mais nous avons tenus nos positions face à la police», raconte Myria, qui a pris part au mouvement. Contactée par nos soins, la police n’a pas donné suite à nos questions.
«Projet à long terme»
Le lendemain, dimanche, les occupant·es annoncent leur volonté de pérenniser leur démarche. En milieu de journée, des banderoles sont déployées aux fenêtres: «Quartier libre» peut-on notamment lire sur l’une d’elle. «C’est désormais un projet à long terme qui s’annonce ici», prévient-on. Quitte à devoir sortir du cadre de la légalité. «Ce n’est pas que de la théorie. Il faut que ça devienne concret, nous n’avons plus le choix», assène Myria, qui concède que l’avenir du lieu reste incertain. «Nous allons nous défendre. La reprise des villes doit être pensée comme une finalité et non comme un événement éphémère», conclut Milo, l’un des occupants.