Suisse

Une baisse historique…de 0,2%

En moyenne, les primes de l’assurance-maladie obligatoire vont baisser de 0,2% en Suisse l’an prochain. Les associations espèrent davantage de réductions et les assureurs plaident pour de nouvelles mesures.
Une baisse historique...de 0,2%
Les baisses de primes concernent tous les habitants de Suisse romande. KEYSTONE-ARCHIVES
Santé

Pour le conseiller fédéral Alain Berset, «c’est une très bonne nouvelle». Le verdict était très attendu: en 2022, la prime de l’assurance de base obligatoire s’élèvera à 315,30 francs en moyenne. Si elle reste légère, cette baisse de 0,2% par rapport à 2021 est historique. Durant la dernière décennie, les primes ont augmenté de 2,4% chaque année. Depuis l’introduction de la loi sur l’assurance-maladie (LAMal) en 1997, elles n’avaient baissé qu’une fois, en 2008. L’année suivante, elles avaient fortement augmenté. Selon le ministre de la Santé, «nous pouvons déjà dire que la diminution d’aujourd’hui ne sera pas suivie d’une explosion en 2023».

Alain Berset attribue le crédit de ce résultat aux efforts du gouvernement et du parlement, et surtout à la révision de l’ordonnance sur la surveillance de l’assurance-maladie. Décidée en avril dernier et entrée en vigueur au mois de juin, elle inclut les revenus du capital des assureurs dans le calcul, et oblige la cinquantaine de compagnies du pays à une plus juste évaluation des coûts de la santé. Elle facilite aussi les diminutions des réserves. Pour le conseiller fédéral fribourgeois, «c’est technique mais ça fonctionne. Cette stabilisation montre que nous pouvons obtenir des résultats positifs et elle nous encourage à poursuivre le travail.»

380 millions à rembourser

Dans le détail, les baisses concernent la moitié des cantons, et tous les habitants de Suisse romande. Les Genevois seront les premiers bénéficiaires de ce calcul, avec une baisse de 1,5%. Les Valaisans paieront 0,8% de moins, alors que les Fribourgeois et les Neuchâtelois économiseront respectivement 0,2 et 0,1% sur leurs primes. Pour les Vaudois, ce sera également 0,1% de moins. La Fédération romande des consommateurs (FRC) juge cette baisse «plus symbolique qu’historique». Selon son communiqué, «ceci signifie que les primes continuent à peser sur le budget des ménages comme elles le font depuis deux décennies». Par ailleurs, les assureurs rembourseront 380 millions de francs à leurs assurés pour diminuer leurs réserves. Ces dernières années, grâce à des calculs de primes très prudents et à l’évolution des marchés financiers, ils ont accumulé plus de 12 milliards de francs pour affronter d’éventuels imprévus, soit 3 milliards de plus que les 150% de couverture minimale exigée par la loi. Pour Alain Berset, «elles sont trop hautes, mais nous avons les instruments pour les faire baisser. Le but est d’éviter les montagnes russes.»

«Les primes vont toujours peser sur le budget des ménages»
Fédération romande des consommateurs

Effets de la crise peu clairs

Pour le vice-président de la Fédération des patients, Simon Zurich, «c’est un bon premier pas, mais largement insuffisant». Il insiste: «Cette redistribution des réserves n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan et ce sont l’ensemble des 3 milliards de francs excédentaires qui devraient être remboursés. Pendant des années, des assureurs ont fixé des primes trop élevées, ce qui leur a permis des effets d’annonce pour démarcher de nouveaux clients. La fiabilité du système en a souffert.» Depuis mars 2020, le report de nombreuses opérations électives a engendré des économies substantielles. Mais les conséquences de la crise sanitaire restent difficiles à évaluer. Les Hôpitaux de Suisse communiquent que «la baisse ne reflète pas les prestations fournies par les hôpitaux et les cliniques durant la pandémie», et qu’il faudra attendre encore pour prendre la mesure de la situation.

Neuchâtel satisfait

La conseillère d’Etat neuchâteloise Florence Nater estime réjouissante la relative stabilité des primes maladie dans le canton depuis trois ans. Pour 2022, elles vont baisser de 0,1% à Neuchâtel.
La cheffe de l’Emploi et de la cohésion sociale rappelle toutefois que la prime à Neuchâtel reste parmi les plus élevées de Suisse, en raison notamment d’indicateurs défavorables, comme une population plus âgée que la moyenne helvétique.
«Avec ce que permet le cadre financier, on va faire le mieux possible pour alléger le poids des primes sur les ménages avec les subsides», dit-elle. La conseillère d’Etat reste inquiète par rapport à une possible hausse du nombre de bénéficiaires de subsides, en lien avec la fin des aides fédérales liée à la crise sanitaire. ATS

Les coûts ne baissent pas

Malgré l’annonce du jour, les coûts de la santé ne baissent pas. En réalité, ils ont augmenté d’environ 3% en 2020, ce qui correspond à la hausse moyenne de ces dix dernières années. Durant le premier semestre 2021, ils ont même augmenté de 4%. Si les associations d’assureurs du pays saluent la baisse des primes, ils appellent surtout à de nouvelles réformes.

Selon Santésuisse, «il convient à présent de pérenniser durablement cette stabilité réjouissante. Il est temps de prendre de véritables mesures d’économie afin que les primes restent finançables à l’avenir.» Pour Adrien Kay, porte-parole de l’autre faîtière de caisses-maladie, Curafutura, «cette évolution est encourageante. Elle montre que la hausse n’est pas une fatalité et qu’il est possible d’agir. Mais cela ne doit pas nous faire oublier qu’il y a encore beaucoup de réformes à mener et qu’il existe un énorme potentiel d’économies dans le système de santé.» AVEC PHILIPPE BOEGLIN/LA LIBERTÉ

 

«Les assureurs doivent en faire plus»

Le conseiller d’Etat genevois chargé de la Santé, Mauro Poggia, exprime une «joie mitigée» face à la baisse des primes de 1,5 % en moyenne pour le canton, soit environ six francs par mois. Surtout, il souligne l’augmentation des réserves des assureurs, qui ont continué à engranger des gains, même pendant la pandémie. «Rien qu’en 2020, leurs réserves ont augmenté d’un milliard de francs», dénonce-t-il. Entre 2017 et 2020, les caisses ont mis de côté 5 milliards de francs. L’utilisation de ces réserves pour la baisse annoncée et le remboursement d’une partie des primes payées en trop représentent «à peine la moitié» des gains de 2020, relève Mauro Poggia.
«Les assureurs mettent de l’argent de côté en affirmant que ces réserves sont nécessaires en cas de situation exceptionnelle. Nous vivons justement cette situation exceptionnelle avec la pandémie. Pourtant, ce sont les cantons et la Confédération qui la paient, pas eux», observe-t-il. La Confédération a pris en charge les vaccins et les tests. Les cantons ont comblé le manque à gagner du fonctionnement hospitalier. «La contribution des cantons pour 2020 est estimée à 2,6 milliards de francs par H+, la faîtière nationale des hôpitaux», indique le conseiller d’Etat.  Il dénonce un manque de volonté politique pour forcer les assureurs à contribuer aux coûts de la crise sanitaire. La Conférence latine des affaires sanitaires et sociales est intervenue auprès du Conseil fédéral, en vain. «Nous avons demandé de nous mettre autour d’une table avec les assureurs. Nous avons reçu une fin de non-recevoir», relève Mauro Poggia. Le conseiller d’Etat juge que la loi Covid devrait inclure une participation des assureurs aux coûts de la pandémie. PROPOS RECUEILLIS PAR SDT

 

Plaidoyer pour des réformes

mercredi 29 septembre 2021
Suisse Xavier Lambiel Santé

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