Dans la rue jusqu’au tombeau!
Combien d’années devra-t-on encore se battre pour nos retraites? C’est la question que se posent de nombreuses personnes depuis plusieurs années. Une chose est sûre, la foule de manifestant·es, bigarrée, enjouée, intergénérationnelle, réunie samedi dernier à Berne a montré, une fois de plus, qu’il n’y a pas d’âge pour revendiquer l’égalité dans les faits. De nombreuses personnes retraitées ou proches de la retraite ont exprimé leur opposition au projet AVS21. Plus nombreuses encore ont été les personnes en emploi qui ont clamé leur ras-le-bol à l’encontre du démantèlement des retraites. Sans parler des voix des jeunes femmes et hommes qui se sont également fait entendre. S’il fallait encore une énième démonstration des mobilisations féministes, celle de samedi est claire.
Comme les manifestations et revendications féministes ont pris davantage d’ampleur ces dernières années, les partisan·es des révisions du système en place, en particulier de l’AVS, nous présentent le relèvement de l’âge de la retraite des femmes comme une mesure améliorant l’égalité entre les femmes et les hommes. Le principe d’égalité est sur toutes les lèvres quand il s’agit de péjorer la situation des premières en la «calquant» sur celle des seconds: AVS21, obligation militaire pour les femmes, pour ne prendre que deux exemples récents.
Mais quand il s’agit de réaliser l’égalité dans les faits, de promouvoir l’autonomie économique des femmes, à travers par exemple l’égalité des salaires, un véritable partage du travail non rémunéré, la reconnaissance et la valorisation de ce dernier, les mesures proposées s’apparentent à des mirages. Preuve en est la révision de la Loi sur l’égalité afin de soi-disant réaliser l’égalité salariale. Limitée à une durée de douze ans, autorisant les entreprises à un seuil de tolérance de 5% d’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, sans sanctions à l’encontre de celles qui ne respectent pas la loi. En bref, on se fiche de nous et on pense qu’on va accepter cette réforme sans dire un mot.
Vouloir augmenter l’âge de la retraite des femmes à 65 ans avec un projet de réforme de l’AVS qui se borne à proposer des mesures transitoires, présentées comme des compensations… s’apparente, deux ans après la grève féministe de juin 2019, à une gifle. On ne nous trompera pas, le camp bourgeois n’a qu’une chose en tête: faire passer l’âge de la retraite de toutes et tous à 67, voire 70 ans. L’initiative des jeunes PLR qui vient d’aboutir ne dit pas autre chose. Sans parler de la réforme de la prévoyance professionnelle qui s’annonce tout aussi discriminante. Alors que les rentes LPP des femmes sont en moyenne 67% inférieures à celles des hommes, on entend déjà des voix dire qu’il convient de diminuer le taux de conversion, refusé en votation populaire il y a plusieurs années, ce qui revient à diminuer le niveau des rentes. Plus récemment, une coalition de partis de droite a lancé une initiative «intergénérations» proposant de réformer la LPP, là aussi, au travers d’une diminution des rentes, estimées 30% trop élevées. Une rhétorique catastrophiste bien connue: «Les caisses seront vides dans quelques années.» Le porte-monnaie de nombreuses femmes en emploi et à la retraite peut être vide avant la fin du mois, tout le monde s’en fout comme de l’an quarante.
Une chose est sûre, nous descendrons dans la rue pour faire entendre nos voix, nous récolterons des signatures pour soumettre la réforme AVS21 et tous les futurs projets de réforme du système de retraite qui démantèlent les acquis sociaux à la votation populaire. En effet, chaque acquis se gagne à la force de la mobilisation. En nous continuerons tant qu’il le faudra… car en matière d’égalité, la Suisse est à la traîne en comparaison internationale.
Miso et Maso sont investigatrices en études genre.