La protection du climat doit être sociale
Canicule en Méditerranée, inondations en Allemagne, tempêtes en Suisse: les conséquences catastrophiques du changement climatique ont été particulièrement visibles cet été sous nos latitudes. Le dernier rapport du GIEC montre à l’évidence combien il est urgent de prendre des mesures concrètes pour la protection du climat. Après le rejet par le peuple, en juin 2021, de la loi sur le CO2, la question se pose de la neutralité de la Suisse en termes de gaz à effet de serre au plus tard en 2050. Dans sa stratégie climatique à long terme, le Conseil fédéral indique que la transition vers le zéro net doit s’effectuer de manière socialement acceptable. Cet objectif a gagné en urgence avec la crise du coronavirus.
La crise a mis en lumière la situation précaire de nombreux ménages en Suisse. On estime que quelque 735’000 personnes sont touchées par la pauvreté, sans compter les ménages qui ont juste de quoi vivre et n’ont pratiquement aucune réserve. Lorsqu’une partie leurs revenus disparaît temporairement, ces ménages se retrouvent très vite dans une situation d’urgence. De nombreux salarié·es à revenus modestes, petit·es entrepreneur·ses et indépendant·es à faible chiffre d’affaires ont été confrontés à des peurs existentielles l’année dernière. Cette situation déstabilisante a probablement conduit la classe moyenne inférieure en particulier à rejeter la loi sur le CO2, par crainte de coûts supplémentaires.
Pour Caritas, il est très clair que la protection du climat peut et doit être sociale. Nous devons accélérer la transition vers une économie et un mode de vie durables qui préservent les ressources naturelles et bénéficient à toutes et tous. La Suisse s’est engagée à réaliser les 17 Objectifs globaux de développement durable (ODD) dans le cadre de l’Agenda 2030 de l’ONU. Ces ODD tiennent compte à la fois des dimensions environnementales, sociales et économiques du développement durable. Cela signifie que la politique climatique doit être juste sur le plan social, tant à l’étranger qu’en Suisse.
Caritas estime qu’une politique climatique socialement acceptable doit respecter deux principes: d’une part, les personnes touchées et menacées de pauvreté ne doivent pas être davantage sollicitées financièrement à cause des mesures de protection du climat. D’autre part, les personnes à faibles revenus doivent également avoir la possibilité d’agir activement en faveur du climat. La possibilité d’agir sans nuire au climat ne peut en aucun cas être un privilège des personnes aisées.
Concrètement, cela signifie qu’il faut augmenter la marge de manœuvre financière des ménages à faibles revenus en leur offrant un soutien ciblé qui leur permette d’adopter un comportement respectueux du climat. La politique climatique a souvent un effet direct sur le budget, tant par des prescriptions légales que des systèmes d’incitation financière. Elle doit être accompagnée des mesures de politique sociale garantissant un niveau suffisamment élevé de sécurité des moyens de subsistance à toutes les personnes vivant en Suisse. Des mesures audacieuses, et surtout rapides, en matière de politique climatique sont socialement acceptables lorsque le minimum vital est garanti.
La politique climatique est complexe; elle concerne différents domaines politiques: transports, logement, politique économique et du marché du travail, politique agricole. Il est donc malaisé d’estimer les répercussions financières réelles de toutes les mesures sur les personnes en situation de pauvreté. C’est pourquoi il faut porter un regard régulier sur la politique climatique suisse du point de vue de ses impacts sociaux et, si nécessaire, l’adapter en conséquence.
Aline Masé est responsable du Service de politique sociale, Caritas Suisse.