Relier local et international
A quelques encablures de la place des Nations, à proximité de l’Ecole internationale et de l’Organisation internationale du travail, une ancienne friche se mue en espace participatif. Renommés Jardin des Nations, ces quatre hectares abritent pour l’heure un potager urbain ainsi qu’une curieuse citerne géante. Cette dernière accueillera dès la fin du mois des projections à 360°. Dédié à la culture mais aussi à la détente et au lien social, l’espace intégrera progressivement d’autres activités, dont l’installation d’une buvette gérée par l’association la Barje – pleinement fonctionnelle au printemps 2022 seulement.
Alléchant mais provisoire. Dès fin 2024, le Jardin des Nations devra laisser la place à des constructions sur cette parcelle située en zone de développement. Elles devront pour deux tiers au moins répondre aux besoins des organisations internationales voisines, comme le veut la loi. Des bureaux, c’est sûr, du logement, peut-être. Mais aucun plan n’est actuellement disponible et pour cause: les promoteurs ont choisi d’intégrer les citoyen·nes dans une démarche participative. Objectif: «travailler ensemble pour développer un projet utile et réconcilier les Genevois avec le développement de leur ville», espèrent Roman Pechlaner et Laurent Poulon, représentants respectifs de la Steiner Investment Foundation, propriétaire du terrain, et de Steiner SA, développeur du projet. Tout un programme.
Démarche participative à long terme
De l’ambition, le projet n’en manque pas: les promoteurs, qui ont acquis le terrain pour 150 millions de francs, aspirent à un quartier décarboné, avec une véritable recherche architecturale. Mais ils ne veulent pas imposer un projet clés en main: «Nous estimons que l’expertise de l’usager est tout aussi important, si ce n’est plus, que celle de l’ingénieur qui ne fréquentera peut-être jamais ce quartier», soutient Laurent Poulon. Un discours apte à séduire les associations d’habitant·es et de sauvegarde du patrimoine qui ont pesé dans les dernières votations sur le développement territorial? Elles ont en tous cas été approchées, et invitées à participer à l’élaboration du projet. Dès la mi-septembre, des ateliers participatifs sur site permettront aux Genevois·es intéressé·es de débattre de l’avenir concret de cette parcelle, mais aussi plus largement des enjeux urbanistiques actuels. Outre les aspects architecturaux, la démarche – qui durera plus de trois ans – doit aussi définir ce que souhaitent les citoyen·nes en matière d’aménagements extérieurs ou d’activités.
D’où l’intérêt de faire d’ores et déjà vivre ce lieu, selon le principe de «l’urbanisme transitoire». L’association Genève cultive, connue pour sa carte interactive rassemblant les projets d’agriculture urbaine, assume la dimension potagère. Elle est à l’origine du jardin agroécologique qui pousse dans le nord-est du terrain. «Nous voulons expérimenter un nouveau exemple d’agriculture urbaine, qui permette de ramener la production plus proche de nous. Il s’agit aussi d’éprouver un modèle économique, car nous espérons que les revenus du potager permettent d’engager un jardinier», explique la présidente de l’association, Juliette Perreard. A terme, on pourra donc cueillir et acheter ici les produits frais cultivés sur place. Mais aussi profiter d’un marché de producteur·trices et des ateliers et événements organisés par Genève cultive. Des activités qui verront le jour progressivement, au fur et à mesure que s’étendra l’emprise du jardin potager sur le terrain encore en friche.
La culture au cœur de l’international
Côté culture, l’élément phare s’appelle Syllepse. Cette structure de quasi vingt mètres de diamètre pour huit mètres de hauteur a été créée sur mesure pour le Jardin des Nations, mais elle est entièrement démontable pour assurer son futur une fois la phase transitoire finie. Elle est principalement destinée à accueillir des projections. Sur l’histoire de la Genève internationale dans un premier temps, puis sur l’œuvre du peintre Vermeer – événement sur billetterie. Les premier·ères spectateur·trices sont attendu·es samedi 28 pour l’inauguration.
Ce même jour, Antigel donnera le ton avec deux concerts – L’Eclair et The Two – et un dj set – Ramin & Reda – prévus dès 17 h. Attiré par les enjeux des lieux en transition et avide d’exploration, le festival espère offrir ici «un accès à la culture pour le plus grand nombre, dans un quartier où beaucoup de gens travaillent mais qui comptent peu de lieux à vivre», remarque Thuy-San Dinh, codirectrice et cofondatrice d’Antigel. L’occasion aussi de faire se mélanger un public de locales et de locaux – que la renommée du festival ne manquera pas d’attirer – et les membres de la communauté internationale. Un pari à long terme pour désenclaver ce quartier.