Abbas, autocrate et collabo
Reconnaissons-lui au moins un mérite: Mahmoud Abbas – surnommé Abou Mazen – a été, dans les années 1960, un des pères fondateurs du mouvement de libération nationale palestinien, le Fatah, avec Yasser Arafat, Abou Iyad et Abou Jihad. Rares ont été ceux qui envisageaient que le personnage, plutôt terne, serait un jour le successeur de Yasser Arafat à la tête du mouvement. Mais le vide provoqué par les assassinats israéliens des grandes figures de la résistance palestinienne en a fait un président par défaut.
Contrairement à ses collègues, Abbas est plus un bureaucrate qu’un tribun populaire, suffisamment modéré pour avoir pu jouer un rôle prépondérant dans l’élaboration de la formule catastrophique dite plus tard «Accords d’Oslo». On comprend facilement que les dirigeants israéliens l’aient toujours préféré à Yasser Arafat: sa flexibilité a fait le lit des violations systématiques des accords préalablement signés par les négociateurs israéliens.
La stratégie d’Abou Mazen s’est soldée par une déroute spectaculaire: durant plus de deux décennies, il a uniquement misé sur d’éventuelles pressions étasuniennes qui imposeraient à Israël la mise en œuvre des accords signés. Avec la patience de celui qui ne se donne aucun moyen pour imposer ses droits, il a fait l’antichambre des Chancelleries, brandissant des promesses faites dans le passé, que plus personne ne pense encore pouvoir être réalisées.
De fait, faute d’une stratégie alternative, il a mis en place un régime de collaboration avec l’occupation coloniale, faisant des forces de police de l’Autorité palestinienne des supplétifs de l’armée israélienne.
Le dicton talmudique «sa vieillesse fait honte a sa jeunesse» semble avoir été écrit pour Mahmoud Abbas: avec le temps, le dirigeant nationaliste est devenu un autocrate sanglant. La récente «affaire Nizar Banat» montre qu’il est prêt à mettre la Palestine à feu et à sang pour maintenir son pouvoir. Nizar Banat était un activiste palestinien très populaire qui n’avait pas peur de dire et d’écrire tout le mal qu’il pensait d’Abou Mazen et de son régime. Le 24 juin dernier, les forces de répression palestiniennes l’ont arrêté et tabassé à mort. Depuis, les manifestations contre Abbas et ses sbires sont devenues quotidiennes.
Plus la perspective d’un Etat palestinien indépendant s’éloigne, plus la réalité de bantoustans entièrement contrôlés par le pouvoir colonial israélien s’impose, et plus Abou Mazen et son régime se démasquent comme de méprisables collabos de l’Etat israélien. Il y a plus de deux décennies, j’avais polémiqué avec l’intellectuel palestinien Edward Said, qui avait traite Yasser Arafat de collabo. Concernant son successeur, il n’y a plus de polémique entre nous.
Michel Warschawski est militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).