La Cité de la musique de la démocratie
Le 13 juin dernier, à un peu plus de 800 voix de majorité sur 53’000 votantes et votants, la Ville de Genève donnait un préavis négatif au plan localisé de quartier nécessaire à la réalisation d’un projet de Cité de la musique sur la parcelle des Feuillantines, en bordure de le place des Nations. C’était un vote municipal consultatif, dont, légalement, le canton peut faire ce qu’il veut, y compris, avec toute la délicatesse que nos communes lui connaissent, s’asseoir dessus. Mais politiquement, c’est une autre histoire: 53’000 personnes qui votent, dans une commune de plus de 200’000 habitants qui concentre 40% de la population (et du corps électoral) du canton, ça pèse un peu plus qu’un simple mouvement d’humeur, et le soir même du vote, le Conseil d’Etat rouvrait le débat, le dossier et les consultations sur le projet, sans exclure de le faire passer de celui d’une Cité DE LA musique à celui d’une Cité DES musiques… Mais si le débat va se poursuivre, c’est bien parce que la Ville a refusé le plan localisé de quartier: si elle l’avait été accepté, sur le projet aurait été posé cet avertissement définitif: «circulez, y’a plus rien à voir, rien à dire, rien à voter».
«On veut dresser un état des lieux pour décider si on arrête avec ce projet ou si on continue, y compris sur le site des Feuillantines», résume Thierry Apothéloz,… Mais continuer avec quel projet? Le même que celui qui a été refusé en Ville? Tous les arrondissements de gauche l’ont refusé, ce projet. Tous, sans exception. Cela devrait nous parler un peu, au PS, non?… et que seuls des arrondissements de droite l’aient accepté, ce PLQ, cela aussi devrait nous parler un peu, au PS, non?… Le vote municipal acquis, parole au canton. Plus précisément, au Grand Conseil. D’où, la semaine dernière, un navrant débat sur la Cité de la musique au parlement: Faut-il s’asseoir sur un vote communal avec ou sans coussin ? Ce sera avec coussin (fourni par le groupe socialiste: Y’a des cours de formation socialiste sur le sens du cri «Vive la Commune!» qui ont du se perdre quelque part entre deux campagnes électorales…).
Le Grand Conseil de la parvulissime République a adopté l’autre jour une résolution présentée par la droite et amendée par le PS, mais qui n’a d’autre effet que d’enfoncer la porte ouverte par le Conseil d’Etat au soir même du vote. «On ne peut pas imposer la volonté d’un peuple municipal à l’ensemble de la population cantonale, c’est faire du reste des habitants du canton des citoyens de seconde zone», explique la droite dans les considérants de la résolution. En revanche, on pourrait imposer à l’ensemble de la population cantonale, sans possibilité de référendum, la volonté d’une majorité de cent membres du Conseil? Il est vrai qu’alors ce n’est plus «le reste des habitants du canton» dont on ferait des «citoyens de seconde zone», ce sont de tous les habitants du canton, puisque quand on s’assoit (avec ou sans coussin socialiste) sur un préavis municipal, il n’y a que les 100 députées et députés au Grand Conseil qui pourront voter… ce qui n’empêchera pas certains d’entre eux de trouver antidémocratique que plus de 53’000 habitantes et habitants de la Ville aient pu le faire… Un·e député·e, ça vaut 530 habitant·es ? On lui signalera alors, à cette députée ou à ce député, que ni lui, ni elle, ni aucun·e membre du Grand Conseil (et donc aucun·e de celles et ceux qui demandent de s’asseoir sur le vote de la Ville) n’a obtenu pour être élu autant de voix dans tout le canton qu’il s’en est portées en Ville contre le PLQ de la Cité de la musique. Aucun… sauf Pierre Maudet…
La commune est, à Genève, plus démocratique que le canton, comme le canton était plus démocratique que la Confédération, quand les femmes disposaient des droits politiques dans le premier et pas dans la seconde. C’est l’étendue des droits démocratiques qui qualifie une démocratie: à Genève, le corps électoral d’une commune est bien plus représentatif de la population de cette commune que le corps électoral du canton ne l’est de la population du canton, puisque les étrangers établis disposent des droits politiques municipaux – et ne disposent que de ces droits. Quand les communes votent, ils peuvent voter. Quand le canton vote, ils ne votent pas.
Allez après cela financer des campagnes pour la participation électorale des étrangers au seul niveau où ils peuvent voter… et vous plaindre amèrement de la permanence de cette justification de l’abstention par des abstentionnistes: «De toute façon, ils font ce qu’ils veulent…»
Pascal Holenweb est conseiller municipal carrément socialiste en Ville de Genève