Neuchâtel

Un torrent de boue traverse les villages

D’importants orages se sont abattus sur l’Entre-deux-Lacs. Au moins six personnes ont dû être relogées et 75 bâtiments sont très endommagés. Reportage.
Un torrent de boue traverse les villages 1
A Frochaux et Cressier, cent vingt membres des pompiers, de la police, de la protection civile, de la voirie et du Service des ponts et chaussées ont été mobilisés. JJT
Intempéries

Les populations de Frochaux et Cressier ont découvert leurs villages défigurés mercredi matin au réveil, après que des pluies diluviennes se sont abattues sur la région de l’Entre-deux-Lacs. Des précipitations très intenses ont fait sortir de son lit le ruisseau le Ruhaut. L’équivalent de deux semaines de pluie serait tombé en quelques heures.

Un véritable torrent de boue a traversé Cressier, emportant des morceaux de routes, des voitures et charriant des tonnes de débris. Le haut du village semble avoir subi les dommages les plus importants, même si un cours d’eau situé dans le bas a également généré des inondations. Heureusement, aucun blessé ni disparu n’est à déplorer. Un petit miracle. En revanche, au moins 75 bâtiments sont endommagés et les dégâts sont très importants.

Les petits villages vignerons sont témoins de scènes de désolation. Six personnes ont dû être temporairement logées dans les abris de la protection civile du village voisin du Landeron. Certain·es ont craint pour leur vie. A Cressier, un couple de restaurateurs a vu la terrasse de son restaurant balayée par la crue et l’eau s’engouffrer dans leur pizzeria. «Le four à pizza et les réfrigérateurs sont foutus. Nous avons tenté de retenir l’eau avec ce que nous avions, sans succès», explique Sari Fatma. «Nous attendons l’assurance pour faire un constat mais le plus important c’est qu’il n’y ait aucun mort ni blessée», ajoute-t-elle, un peu sonnée.

Rues éventrées

A proximité de la fontaine sur la rue Saint-Martin, la chaussée a littéralement cédé sous la puissance de la rivière souterraine. «Hier, vers 20h10, ça a explosé, j’étais sous le choc, nous ne savions pas quoi faire», poursuit le gérant du restaurant. Au matin, des pelleteuses s’activent pour éventrer la route et libérer de ses débris le lit du cours d’eau. Dans certaines maisons, l’eau a pénétré à plus d’un mètre de hauteur. Des commerçant·es ont presque tout perdu, alors que des habitant·es se sont retrouvé·es coincé·es à leur domicile, se réfugiant parfois dans le grenier.

«Nous avons pu bénéficier de l’expérience des inondations au Val-de-Ruz en 2019» Ivan Keller

Sur la rue Vallier, un important débit d’eau continue de s’échapper de la porte d’une maison d’artistes. Par la fenêtre cassée, on aperçoit des meubles renversés, charriés par le courant. «Heureusement que ça s’est passé la nuit et qu’il n’y avait personne à l’intérieur», commente Solange Stampfli, partiellement soulagée. Un photographe qui y avait son atelier a perdu tout son matériel. Il n’a pas le cœur à témoigner.

Solidarité et humour

Au quatre coins de la localité, la solidarité s’organise. Un passant muni d’une pompe à eau tente l’humour pour désamorcer la situation: «Un petit bain de boue? C’est bon pour la peau!» Des habitant·es arrivent muni·e·s de pelles et de pioches pour évacuer l’eau et les débris qui se sont engouffrés dans les bâtiments. «Tout le rez-de-chaussée de ma maison est inondé, mon piano et les appareils électroménagers sont fichus, mais cela aurait pu être pire. Au moins, je peux inaugurer mes nouvelles bottes», glisse une dame pour relâcher la pression.

Des groupes de volontaires parcourent le village avec des chariots pour distribuer des bouteilles d’eau. Il a été déconseillé à la population de consommer l’eau du robinet par peur que celle-ci ne soit contaminée. La plupart des foyers sont aussi privés d’électricité. Le patron du restaurant le Tilleul, Leonardo Pereira, a pris l’initiative de distribuer gratuitement des repas. «Pour midi, j’ai de la nourriture pour environ 200 personnes. Tout le monde essaie de faire quelque chose pour se sentir utile», témoigne-t-il. Sur Facebook, des individus proposent leur bureau pour entreposer des dons, ou une chambre pour héberger des sinistré·es.

Les troupes d’Ivan Keller, chef d’Etat-major de la police neuchâteloise, ont travaillé d’arrache-pied toute la nuit pour répondre au plus de 500 appels reçus par la Centrale neuchâteloise d’urgence dans la nuit de mardi à mercredi. Cent vingt membres des pompiers, de la police, de la protection civile, de la voirie et du Service des ponts et chaussées ont été mobilisés. «Nous avons pu bénéficier de l’expérience des inondations qui ont eu lieu au Val-de-Ruz en 2019. Nous étions prêts pour répondre à cette situation similaire: un orage subit, des précipitations très localisées et des dégâts importants», explique Ivan Keller.

Craintes de nouveaux dégâts

De nouvelles précipitations étaient attendues mercredi soir. Par mesure de précautions, les autorités ont demandé à la population de Cressier d’évacuer les rues du village dès les premières précipitations, jusqu’à 6h jeudi matin. En effet, les autorités craignent de nouveaux dégâts. «La crue du Ruhaut ce mardi a provoqué de nombreux affaissements de terrain et des trous se sont formés. Avec cette nouvelle vague de précipitations, la rivière pourrait charrier à nouveau un nombre important de gravats et de matériaux divers augmentant les dangers pour la population présente dans les rues et aux abords de l’écoulement des eaux», a annoncé la police dans un communiqué.

Près de 50 interventions des pompiers à Genève

A Genève, le Service d’incendie et de secours (SIS) est intervenu 47 fois en 24 heures en raison des orages. Les pompiers ont notamment mené une opération mercredi soir pour rechercher deux personnes qui faisaient du paddle sur le Rhône.

Leur aventure se termine bien: les deux personnes ont été retrouvées saines et sauves à l’abri de l’orage près de la zone de loisirs Au Moulin à Vernier, indique jeudi le SIS. Les pompiers sont aussi intervenus sur le Sentier des Saules, le long du Rhône, pour un peuplier de 25 mètres de haut qui était tombé sur trois voitures et un vélo. ATS

Régions Neuchâtel Julie Jeannet Intempéries

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