Édito

Droit de timbre ou droite timbrée?

Droit de timbre ou droite timbrée?
La Suisse poursuit sa fuite en avant dans la concurrence fiscale. Keystone
Fiscalité

Le Parti socialiste suisse a annoncé le référendum. Vendredi, lors des votes finaux, les Chambres ont accepté l’abolition du droit de timbre d’émission sur le capital propre. Un cadeau fait aux grosses entreprises qui relance la si désastreuse concurrence fiscale et coûtera quelque 250 millions de francs par an en termes de manque à gagner pour les caisses de la Confédération.

Avec, surtout, la crainte que cette nouvelle baisse fiscale en entraînera d’autres. Le bloc bourgeois joue en effet la tactique du salami. Une fois la pompe amorcée, c’est tout l’édifice du droit de timbre, et au-delà, qui va être siphonné, selon Samuel Bendahan, vice-président du PSS. Le parlementaire prévoit à terme un trou de 2,2 milliards de francs dans les caisses de l’Etat. Le parti à la rose revient donc à ses fondamentaux de gauche, après le triste épisode de la Réforme de la fiscalité des entreprises (RFFA) qu’il avait malheureusement soutenue.

Non seulement, les grandes entreprises ont tiré leur épingle du jeu durant la pandémie du Covid-19 – toute crise voit une concentration de l’outil de production – mais il est maintenant prévu de leur octroyer de nouvelles faveurs. Ceci au nom de «l’économie». Or, cette vision néolibérale de relance par l’offre – on baisse les impôts pour stimuler l’emploi – ne fonctionne pas. Surtout dans une économie aussi ouverte sur l’extérieur que la Suisse. Cet argent servira bien plus à engraisser des actionnaires langoureusement allongés sur leur oreiller de paresse. Et à détruire de l’emploi pour lustrer le poil des tout-puissants fonds de placement.

La crise du Covid-19 a obligé l’Etat à fortement intervenir pour soutenir les entreprises. Il doit continuer à le faire. Le priver de ses moyens à un moment aussi crucial est tout simplement une forme de sabotage économique. Cette affaire montre une nouvelle fois le vrai visage d’une droite agrippée aux privilèges de quelques-uns. Car d’autres payeront: les PME et les indépendants, ceux qui, précisément, génèrent de l’emploi. Et les salariés. Soit via l’impôt – par exemple une nouvelle hausse de la TVA, une taxe antisociale – soit en termes de baisse de prestations.

Bref, il s’agit d’une perte sèche. Mais pas pour tout le monde. On assiste bien à une nouvelle redistribution du bas vers le haut. Que ce genre de tour de passe-passe soit réalisé avec autant d’aisance est inquiétant et en dit sur le fonctionnement de la majorité siégeant aux Chambres.

La rupture causée par la pandémie et la redécouverte de la nécessité d’un Etat fort qu’a impliqué la crise du Covid-19 seront des points d’appui pour bloquer cette attaque. Sera-ce suffisant?

Opinions Édito Philippe Bach Fiscalité

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