Occasion manquée
C’est un vote très droitier qui est sorti des urnes ce week-end. Le peuple a refusé la loi sur le CO2, les deux initiatives contre les pesticides et dit oui à un durcissement d’une législation anti-terroriste qui peut se révéler liberticide. Seule bonne nouvelle, la loi Covid a passé la rampe. Tant mieux, car un refus aurait compliqué la situation pour des milieux économiques sinistrés –restauration, culture – qui ont bénéficié des aides publiques.
Un trait d’union relie ces différents objets: on est face à des occasions manquées. Les deux initiatives anti-pesticides avaient peut-être le tort d’être venues trop tôt et de vouloir trop embrasser. Cela a mis sur les pattes de derrière un monde paysan qui lutte pour sa survie dans un contexte mondialisé difficile. Las. C’est une certaine alliance potentielle entre l’agriculture, les consommateur·rices et les défenseur·euses de l’environnement qui a échoué. Lorsque l’urgence sera à nos portes – on ne pourra pas indéfiniment boire une eau du robinet contenant ces pesticides sans que cela n’ait un impact marqué sur notre santé – parions que les décisions qu’il faudra prendre seront autrement plus douloureuses.
Même topo du côté de la Loi sur le CO2, la grande perdante de ce week-end. Certes, ce texte était insuffisant au vu de la gravité des enjeux. Mais il allait dans la bonne direction. C’est bien à une victoire du lobby du pétrole que nous avons assisté. Tabler sur le progrès scientifique pour sortir de l’impasse climatique n’est que poudre aux yeux. Les référendaires de gauche vont devoir remonter le courant, eux qui annoncent maintenant une initiative plus ambitieuse, car incorporant le monde de la finance dans l’équation climatique. Saluons la volonté; mais disons notre inquiétude: ce week-end, l’horloge du compte à rebours climatique a avancé vers la sonnerie d’alerte.
Enfin, la loi sur les mesures contre le terrorisme s’inscrit dans une extrême droitisation de nos sociétés, en Suisse, mais chez nos voisins aussi. Il faudra compter sur la lucidité des instances de droit pour bloquer certains dérapages. Le passé nous a montré que, malheureusement, la tentation de fouiner un peu partout fait partie de l’ADN des pandores qui sont censés nous protéger. Le vieux principe de la surveillance des surveillants est sérieusement mis à mal par cette législation.
Ce vote de repli exprimé par le Souverain est-il lié à la crise du Covid-19? Traduit-il une volonté, maintenant que le couvercle de la casserole est entrouvert, d’aller de l’avant sans entraves? Ou est-ce un retour à la normale, les Suissesses et le Suisses étant traditionnellement très sensibles aux sirènes des lobbies? Un peu des deux sans doute. Mais l’addition est encore à venir. Et elle sera salée.