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Le lien étroit entre sécurité alimentaire et santé

À votre santé!

On parle beaucoup, à juste titre, de l’importance de l’alimentation comme facteur essentiel pour préserver sa santé. On pense à l’excès de consommation de sucre – trop souvent caché dans notre nourriture – qui participe au surpoids et à l’augmentation des cas de diabète type 2. Mais aussi du sel – souvent dissimulé dans les aliments pré-préparés, que l’on trouve de plus en plus à l’entrée des supermarchés – qui, consommé en excès, joue un rôle dans l’hypertension. On pourrait encore parler du gras, surtout les graisses saturées même si c’est moins à la mode! Parce que les régimes alimentaires, dans notre environnement social et médiatique quotidien, suivent davantage des «tendances» que des évidences scientifiques. Mais ceci est un autre débat.

Récemment, le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation a publié son dernier rapport. Passé assez inaperçu malgré la densité des informations qu’il contient, le document rappelle que, même avant la pandémie actuelle, la faim dans le monde s’était aggravée depuis 2015, après quinze ans d’amélioration constante. En 2020, la situation a empiré, au vu des nombreuses pertes d’emploi dans le monde, qui touchent plus les populations les plus fragiles, en particulier les femmes et les enfants, davantage encore dans les pays émergeants (mais on a aussi constaté ce phénomène dans notre pays). Or il est difficile de s’occuper de sa santé si le revenu disponible peine déjà à couvrir ses besoins alimentaires, sans compter que beaucoup de programmes de promotion de la santé ou de prévention se sont arrêtés faute de moyens utilisés en priorité pour lutter contre la pandémie.

On peut lire dans le rapport que «dans un contexte de crise climatique aiguë, la biodiversité alimentaire et agricole diminue, sous l’effet d’une homogénéisation croissante du régime alimentaire mondial autour d’un petit nombre de cultures et d’une évolution marquée vers des produits fortement transformés». De plus, «certains secteurs de l’industrie agroalimentaire représentent un risque pour la santé publique». Le document souligne que les travailleurs et travailleuses de ces secteurs, bien qu’indispensables, sont traité·es dans le monde entier comme s’ils et elles comptaient peu, manquent souvent de protection sociale et vivent dans des conditions indignes.

Pointés également, les mégaprojets d’agrobusiness sur les terres ancestrales et agricoles et la menace qu’ils constituent pour les moyens de subsistance des populations et leur accès à l’alimentation. «Les changements climatiques, poursuivent les auteurs, sont la principale menace qui pèse sur notre alimentation et sur son approvisionnement, mais aucune solution ne sera véritablement durable si l’on privilégie la science et la technologie, l’argent et les marchés sans régler les questions fondamentales d’inégalité, de responsabilité et de gouvernance.»

Le rapport évoque l’agroécologie comme une alternative réelle s’appuyant sur les connaissances ancestrales et reconnue par la l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). D’ailleurs, une des problématiques essentielles mise en avant dans le document concerne la structure même du système alimentaire mondial: un tout petit nombre d’entreprises contrôlant 60% du marché mondial des semences et 75% du marché mondial des pesticides constitue un facteur d’insécurité alimentaire prépondérant. Or on sait de plus en plus que contrôler les semences, c’est contrôler la vie.

Ce rapport regrette aussi que les programmes d’aide ne se concentrent que sur la valeur calorique sans prendre en compte les besoins nutritionnels et culturels de la population – comme le fait d’inonder de farine de blé, provenant des surplus américains, des régions où le maïs est la base de l’alimentation! Il termine en s’inquiétant que le Sommet de l’ONU sur les systèmes alimentaires prévus à la fin de cette année évacuent les droits humains et penchent «très fortement en faveur d’un seul type d’approche […], à savoir les solutions axées sur le marché». D’ailleurs plusieurs syndicats dont la Via Campesina parlent déjà d’une tentative des milieux d’affaires de s’approprier la politique alimentaire mondiale.

Il s’agit là d’un regard lucide, et inquiétant, sur les questions alimentaires mais évoquant des pistes encourageantes pour les affronter. Le défi est immense et dépasse le simple régime individuel préservant notre santé (pour bon qu’il soit). A méditer au moment de voter le 13 juin sur les initiatives «Pour une eau potable propre et une alimentation saine» et «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse».

* Pédiatre FMH et membre du comité E-Changer, ONG suisse romande de coopération.

Opinions Chroniques Bernard Borel

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lundi 8 janvier 2018

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