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Un procès, des questions et des points de suspension

Alain Tito Mabiala revient sur l’acquittement par la juridiction vaudoise de première instance du policier qui avait abattu le Congolais Hervé Mandundu.
Un procès, des questions et des points de suspension
Des personnes manifestent dans la rue pour soutenir Herve suite a l'acquittement du policier le mercredi 31 mars 2021 a Lausanne. Keystone
Justice 

Le 31 mars, la justice vaudoise a reconnu la légitime défense dans le procès du policier qui a abattu dans la nuit du 6 au 7 novembre 2016 un père de famille congolais de 27 ans à Bex. Un procès très attendu après quatre ans de procédure. A part la balistique, la cour n’a pas jugé utiles les témoignages directs des voisins de la victime ni la reconstitution des faits.

Hervé Mandundu avait reçu trois balles. Deux lui ont été fatales. Une voisine disait à la presse que, dès la première détonation, Hervé avait crié de douleur et qu’elle l’avait entendu s’effondrer dans le couloir. Un homme à terre, blessé, était-il si menaçant pour qu’on lui rajoute deux balles supplémentaires?

Le procès d’Hervé Mandundu se déroule dans un monde globalisé, où la violence policière est devenue presque systémique. De plus en plus de citoyens en sont victimes, s’en plaignent et demandent que justice leur soit rendue. C’est un grand défi pour la démocratie quand on sait que la police est un des bras armés de l’appareil judiciaire. Entre ces derniers, c’est un peu la famille au nom de la coercition.

En mars 2021, en Suisse, à Renens, la justice devait éclaircir les circonstances de la mort d’Hervé Mandundu, tandis qu’aux Etats-Unis, à Minneapolis, les juges traitaient du cas de George Floyd. Là-bas, pour que la vérité ne soit occultée par aucun obstacle, les témoins ont été pris en compte, ont défilé pour dire ce qu’ils avaient vu et entendu. Et leurs témoignages, dans le cadre de la compréhension des faits, permettront, pas nécessairement de condamner, mais de faire en sorte que la vérité émerge en connaissance des causes, pour une meilleure appréciation par rapport aux lois. En voyant comment les choses se déroulent pour que l’équité triomphe dans le procès de George Floyd et à entendre la non-prise en compte de cet aspect de l’affaire en Suisse, on reste perplexe quant à la volonté de la justice vaudoise d’éclaircir les zones d’ombre autour de la mort d’Hervé Mandundu.

Parler avec légèreté de cette mort, de la part même de la justice, est indécent. Dans ce procès pour homicide, on est face à deux tristesses qui s’affrontent. Celle de la famille de la victime qui a perdu un être cher et celle du policier qui estime être déféré injustement devant le tribunal alors qu’il n’a fait que se défendre. La seconde, consacrée par une décision de justice, connaîtra un apaisement; et la première devrait s’aggraver parce que vivant comme une indifférence ou une complicité de la justice cette même décision. Sophie Dupont, dans Le Courrier, évoque l’ambiance presque cynique du procès vaudois: «Les blagues et le ton badin de la présidente lors du procès – où la famille de la victime se retrouvait pour la première fois face au policier jugé pour meurtre – ont contribué à ce sentiment de malaise. Les salutations lancées par l’experte médico-légale Silke Grabherr au policier et à son avocate aussi. Dans l’affaire Mike Ben Peter, sa légitimité a été mise en cause par la partie plaignante à cause de sa proximité supposée avec la police.»

Espérons qu’en cour d’appel, ces insuffisances seront corrigées.

* Journaliste et poète congolais exilé en Suisse.

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