Italie: la gauche ne rêve plus
Mi-mars, en catimini, le Parti démocrate italien (PD) a changé de tête: il a choisi Enrico Letta, en remplacement de Nicola Zingaretti. L’ex-Segretario avait quitté le navire en claquant la porte, après s’être heurté, lui-même, à trop de portes. Peu avant d’être élu par 99,3% des presque 900 délégués présents en ligne, Letta a pris le temps de présenter ses visions pour l’avenir du principal parti de centre-gauche transalpin. Il a parlé égalité, écologie ou citoyenneté italienne pour toute personne née dans le pays. Non sans évoquer aussi la reconstruction d’un PD en lambeaux.
Un discours plutôt progressiste, dans ses grandes lignes, pour cet ancien ministre des gouvernements D’Alema et Amato, puis éphémère président du Conseil italien (2013-2014). Avec toutefois une particularité qui n’a pas échappé au quotidien Il Manifesto: en une heure d’allocution, le quinquagénaire de Pise, qui a fait ses premières armes à la Démocratie chrétienne, n’a pas prononcé une seule fois le mot «gauche».
Alors que l’Italie est gouvernée par une coalition de l’ex-président de la Banque centrale européenne Mario Dragi, où le PD côtoie les principales forces du parlement sorti des urnes en 2018, Enrico Letta confirme donc les options centristes prises par ses prédécesseurs. Au détriment, par exemple, des aspirations de la jeunesse qui s’était massivement mobilisée il y a deux ans pour dire non au fascisme new look de la Lega ou de Fratelli d’Italia. Ou des mouvements qui gravitent, souvent hors parti, à la gauche du PD.
Ainsi, bien loin d’aspirer à la majorité absolue des forces progressistes lors des élections législatives de 2023, Enrico Letta semble avant tout espérer de ne pas tout perdre. Ceci au profit de la droite des trois «ni» – Giorgia Meloni (Fratelli d’Italia), Matteo Salvini (Lega) et Silvio Berlusconi (Forza Italia). Or comme l’ont plusieurs fois évoqué Letta et ses lieutenant·es ces dernières semaines, cela passerait par une alliance pérenne avec le Mouvement 5 étoiles, parti antisystème de Beppe Grillo désormais emmené par l’ex-premier ministre Giuseppe Conte. Histoire d’ouvrir la voie, dans deux ans, à un nouveau gouvernement de coalition, forcément avec le centre-droit. On a les rêves (modestes) qu’on choisit.