Lutter contre les inégalités dans la formation
Au sein d’une société démocratique, la formation des citoyen·nes mineur·es ou jeunes majeur·es doit répondre à plusieurs exigences: assurer la socialisation, l’insertion professionnelle, stimuler l’esprit critique ainsi que développer le goût de la participation et de la responsabilité civiques. L’Etat a le devoir d’utiliser l’enseignement pour réduire les inégalités sociales.
Les douze cantons suisses ayant fait le choix d’un système à filières au secondaire I, à l’instar de Genève, sont susceptibles d’être confrontés à une augmentation des inégalités, en particulier en matière de réussite scolaire. Les élèves ayant le moins de facilité sont en effet les victimes de ce système sélectif. Actuellement en discussion, la réforme du Cycle d’orientation (CO 22) devrait permettre de réduire les inégalités et de diminuer la reproduction sociale de celles-ci. Elle pourrait servir à valoriser les comportements altruistes plutôt qu’individualistes. En dépit de l’augmentation du nombre de diplômes octroyés, la situation des jeunes à Genève est toujours plus compliquée. Leur orientation scolaire et professionnelle est difficile. Les élèves peinent toujours plus à trouver un apprentissage dual. En outre, leur niveau est souvent insuffisant pour les exigences croissantes des formations de l’enseignement secondaire II.
Partant de ce constat, l’introduction du modèle dit de la mixité intégrée en 9e année du Cycle d’orientation semble présenter plusieurs avantages. Ce système permet aux élèves de rester dans le même groupe classe mais chacun·e selon son niveau défini. Il s’agit de prodiguer un enseignement permettant à toutes et tous d’acquérir les compétences attendues (niveaux 1 et 2 confondus), tout en présentant des notions complémentaires évaluées pour les seul·es élèves de niveau 2. Le système de mixité intégrée exige un engagement très important de la part des professeur·es car il demande de pratiquer la différenciation pédagogique. Or, l’enseignant·e au Cycle d’orientation est en premier lieu un·e spécialiste d’une discipline, les aspects pédagogiques étant parfois relégués à l’arrière-plan. Si ce modèle était retenu, il faudrait donc mettre en place un dispositif de formation et d’accompagnement des enseignant·es adéquat. Le projet de mixité intégrée pourrait en tous les cas constituer une occasion pour accompagner les jeunes vers la voie professionnelle et abaisser l’âge d’entrée en apprentissage. Enfin, les modalités de prise en charge des élèves en grandes difficultés doivent être examinées en profondeur, sachant que la crise du Covid ne fait qu’aggraver davantage leur situation.
Le Département de l’instruction publique s’engage contre le décrochage scolaire de différentes manières. En octobre 2013, il a mis sur pied le dispositif Cap Formations en collaboration avec l’Office pour la formation professionnelle et continue, l’Office cantonal de l’emploi et l’Hospice général. Dédiée aux jeunes jusqu’à 25 ans, cette structure doit les aider à retrouver une formation. Le nombre de mineur·es en rupture scolaire a drastiquement baissé depuis l’introduction de la formation obligatoire jusqu’à 18 ans (FO 18). Le travail avec les entreprises, notamment au sein du réseau Espace entreprises, doit être poursuivi et intensifié, tout comme la lutte contre la stigmatisation sociale des jeunes en décrochage scolaire.
Enfin, la formation obligatoire doit servir à développer la capacité d’attention, la sensibilité artistique et les dispositions sportives. La capacité d’attention n’est pas innée. Elle se développe et s’éduque. Savoir regarder et ne pas seulement voir, écouter et ne pas seulement entendre, s’apprennent. La Cour des comptes a d’ailleurs récemment constaté que la pratique artistique au sein de l’école et le dispositif «Sport-Art-Etudes» ne répondent pas assez aux attentes en matière de démocratisation et de diversité des jeunes publics.
Emmanuel Deonna est député au Grand Conseil genevois, PS.