Qui va maîtriser votre identité?

Ce week-end, le peuple vote aussi sur un sujet un peu technique mais loin d’être anodin: l’identité électronique (e-ID). Ce passeport doit-il être délégué au privé, comme le propose la loi contestée par référendum? Poser la question, c’est déjà y répondre.
Cette privatisation d’une tâche régalienne de l’Etat pose des problèmes de sécurité évidents. Alors, oui, la Confédération semble avoir sécurisé le dossier. Mais on a vu que s’il est une constante dans les technologies des l’information et de la communication, c’est la vitesse avec laquelle cette industrie se reconfigure. En l’espace d’une décennie, l’utopie Google s’est transformée en pompe à fric orwellienne. La méfiance n’est pas seulement de mise, elle est indispensable.
Deuxième raison de renvoyer ce dossier à l’expéditeur: si le privé se bouscule au portillon pour rafler la mise, c’est qu’il y a de l’argent à se faire. Nul besoin d’être grand clerc pour prédire que rapidement, selon que vous serez riches – et en capacité d’acheter l’e-ID premium – ou misérable, l’offre ne sera pas la même. Aux gueux, une offre de base étriquée; aux nantis, la possibilité de continuer à faire prospérer plus facilement leurs dividendes sur la toile. Cette privatisation pose aussi un problème d’équité citoyenne.
Enfin, l’argument du Conseil fédéral disant que le privé serait plus compétent que l’Etat pour ce genre de tâches techniques fait penser à l’oreiller de paresse du sieur Parmelin. Quand on veut, on peut et l’on attend au contraire de l’Etat qu’il reprenne la main sur un champ de savoirs trop volontiers abandonné à l’économie privée et qui contribue à asseoir la marchandisation du monde contre laquelle il est au contraire si urgent de lutter.