Clé-de-Rive: un compromis d’un autre âge
La campagne sur Clé-de-Rive prend l’allure d’une guerre des tranchées. Les accusations de mensonges et de manipulations fusent entre partisans (la droite) et adversaires (la gauche) de ce paquet ficelé, qui lie la réalisation d’une zone à priorité piétonne de 33’000 m2 autour de Rive à la construction d’un parking de six niveaux sous la rue Pierre-Fatio.
Les partisans se sentent trahis par les référendaires, puisque c’est la gauche qui a porté ce compromis élaboré durant plus de dix ans. Au vu du contexte politique, il lui apparaissait comme la seule façon d’obtenir enfin une véritable zone piétonne. Mais entre-temps, l’urgence climatique s’est imposée à l’agenda et les mentalités ont évolué à Genève. Les fronts ont bougé au bénéfice de la mobilité douce, un mouvement accompagné par l’action volontariste du conseiller d’Etat PDC Serge Dal Busco. Même le PLR, aujourd’hui, a mis de l’eau dans son pétrole. Surtout, la vague verte, celle qui a permis à la gauche de reconquérir en 2020 la majorité au Conseil municipal, n’autorise plus cette dernière à approuver des compromis d’un autre âge. Qui emprunte le quai des Bergues durant les beaux jours, observe, dépité, à quel point ménager la chèvre et le chou aboutit à des ratés: des centaines de badauds sont obligés de partager cet espace privilégié avec une vingtaine de voitures parquées, qui rendent la cohabitation entre cyclistes et piétons d’autant plus dangereuse.
Une raison, justement, pour enterrer les voitures? Pas du tout, car tout nouveau parking fonctionne comme un aspirateur à voitures et l’objectif est bien de désengorger le centre-ville du trafic. Seul moyen: rendre son accès en bagnole dissuasif. Or, même sans un nouveau parking, il restera assez aisé de trouver des places puisque une kyrielle de parkings existent déjà tout autour de la zone, qui semblent loin d’être saturés.
Demeure un risque: un refus pérennisera-t-il le chaos actuel à Rive, enterrant pour des lustres toute zone piétonne? Au vu de l’obligation légale de compenser chaque place supprimée en surface, c’est ce que pronostiquent les partisans du projet. Mais ce faisant, ils demandent au peuple de voter en fonction des lois, alors qu’en démocratie, c’est le cadre légal et les autorités qui doivent s’adapter à la volonté populaire. En cas de victoire et forts de leur initiative pour une zone piétonne encore plus ambitieuse, les référendaires devront alors mettre leurs adversaires face à leurs contradictions. Car ces derniers font des aménagements en surface leur argument phare. Quitte à faire disparaître le parking de leurs supports de campagne.